Salut le copain
Le photographe du titre emblématique des années soixante Salut les copains joue demain à La Garde le spectacle inspiré de ses photos. Il se confie.
Le 12 avril 1966, face aux quarante-six vedettes de l’époque, il appuyait sur le déclencheur de son appareil photo pour un cliché résumant à lui seul les années soixante. Pour le magazine Salut les Copains, il a inventé l’iconographie d’une période qui continue de fasciner. Même si, depuis, il a fait beaucoup d’autres choses, c’est cette série d’images qui sert de toile de fond au spectacle qu’il vient jouer à La Garde, vendredi. Pour les lecteurs de Var-matin, il a puisé dans ses archives des photos prises sur la Côte d’Azur et les commente avec nostalgie. Pourquoi avoir eu envie de monter un spectacle autour de vos photos ? D’abord parce qu’à mon âge (il a fêté mercredi ses ans, Ndlr), il faut se bouger. Sinon, on est cuit. Ça me permet aussi de rester en contact avec les gens. Ce que j’aime pardessus tout, c’est visiter la France. Mais attention, ce n’est pas un travail. Je le fais pour le plaisir, à raison d’un ou deux spectacles par mois maximum. C’est aussi parce que cela fait trente ans qu’on me pose les mêmes questions, alors j’y réponds. Justement, que racontezvous dans votre spectacle ? Je raconte simplement de l’intérieur ce que vivait et ce qui se passait dans les coulisses avec les vedettes des années soixante. En , en revenant du service militaire en Algérie, j’ai eu la chance de tomber sur Daniel Filipacchi, qui m’a demandé de participer à la création de Salut les Copains… Et je me suis retrouvé tout à coup avec des mômes de à ans, moi j’en avais . Tout est allé très vite. On a été pris dans un raz-de-marée. C’était une chance extraordinaire de rencontrer tous ces gens-là, dès le début.
Avec le recul, que retenezvous de cette période ? Je me rends compte que, comme le disait Barclay, on faisait plus de show que de business. C’était quand même plus détendu qu’aujourd’hui. À l’époque, on ne prenait pas ça au sérieux. Aujourd’hui, tout le monde pense que c’est sérieux. Nous, on n’avait peur de rien alors qu’aujourd’hui, tout le monde a peur de tout. C’était ça, la beauté des années soixante. C’est pour ça qu’elles continuent d’influencer.
À quoi ressemble votre public ? En majorité, il s’agit de personnes qui veulent se souvenir de ces momentslà. Mais ce qui me surprend, c’est qu’il y a un tiers de spectateurs qui ont la nostalgie d’une époque qu’ils n’ont pas connue. Comment peut-on être nostalgique d’une époque que l’on n’a pas connue ? C’est très curieux.
Et quel regard portez-vous sur vos photos proprement dites ? Toutes ces photos, elles étaient faites pour être mises au mur des chambrettes. Donc, il fallait faire du spectacle et être très coloré. C’est pour ça que j’ai fait très peu de noiret-blanc. Or, à l’époque, comme depuis toujours, quand les photographes veulent avoir l’air d’être de grands photographes, ils font du noir-et-blanc. C’est plus facile et ça fait classieux. Tandis que la couleur, c’est dangereux. Ça peut se démoder très vite. Au final, la chance que j’ai, c’est précisément qu’aujourd’hui, je me retrouve à être l’un des rares à avoir des photos couleur de ces gens là.
Mais à l’époque, pourquoi vos photos ont-elles été remarquées ? Parce qu’elles étaient associées à tout le mouvement de ces mômes qui rêvaient d’Amérique. Tout ça était très frais et les photos leur ressemblaient. Elles étaient dans l’air du temps.
Pensez-vous que vos photos sont représentatives des années soixante ? Non, ce sont des photos qui ne représentent pas les années soixante, mais les rêves des mômes des années soixante. C’est très différent. La vérité, moi je m’en fous. Toutes mes photos étaient mises en scène. Il n’y a pas une photo qui est vraie. C’était du spectacle, pas la réalité. Vous pensez qu’il s’agit d’art ou de produits de consommation ? Les mecs qui vous disent « je suis un artiste », je me méfie toujours. Je n’ai pas du tout pensé à ça. Et puis, je ne sais pas si c’est de l’art, mais qu’est-ce que ça a été méprisé ! Et même encore aujourd’hui. L’intelligentsia de la photographie regarde ça avec dédain. En France, il ne faut pas être populaire, c’est très mal vu. Mais ne vous inquiétez pas, le jour où je vais claquer, ils diront que c’était très très bien. Répondre à ces critiques fait aussi partie des raisons qui vont ont donné envie de monter ce spectacle ? Ah non, c’est vraiment parce que j’ai l’âge que j’ai. La seule façon de s’en sortir, c’est de se lancer des défis et de prendre des risques.
Je ne sais pas si c’est de l’art et je m’en fous ”
Pour le photographe, le risque, c’est de sortir de l’ombre et se mettre dans la lumière? Oh vous savez, j’étais déjà dans la lumière à l’époque. J’ai toujours aimé faire l’intéressant.
Êtes-vous nostalgique de cette période ? Ah oui ! Cette atmosphère me manque. Vous savez les mecs de mon âge, ils aiment bien dire «jen’ai pas la nostalgie », et bien moi je l’ai. Je l’avoue. Je n’ai pas de regrets, mais j’ai la nostalgie parce que je me marrais beaucoup plus à ans qu’aujourd’hui.
Dior a ressorti vos photos d’Alain Delon en noir-et-blanc pour faire la pub d’un parfum. Ça vous inspire quoi ? C’est marrant. C’est une idée de Dior et ça a relancé le parfum. C’était drôlement gonflé car c’est la première fois qu’on met une photo d’un mec célèbre jeune, alors qu’il est encore vivant. Je trouve formidable qu’Alain l’ait accepté parce que ce n’est pas évident quand on a piges de se voir à ou ans.
Mais vous n’imaginiez évidemment pas, à l’époque de la prise de vue, le succès futur de cette image... Non, on l’a fait en trois minutes. Il est arrivé. Il était bien. Je lui ai dit assieds-toi, clic-clac, merci Kodak ! Ce n’est pas plus compliqué que ça. Alors ça, vous voyez, c’est le genre de choses que je dis et que les gens de la photographie détestent. Ce qu’ils aiment, c’est qu’on raconte des conneries. Ils ont horreur qu’on dise la vérité.
Alors, selon vous, comment fait-on une bonne photo ? Il n’y a pas de hasard… ou il n’y a que des hasards, je ne sais pas… Il faut dire aussi que c’est tout de même beaucoup plus facile de faire de jolies photos quand, en face de vous, vous avez des gens jeunes et beaux. Que ce soit Alain Delon, Mick Jagger ou Françoise Hardy, ce n’est pas très compliqué. Ce qui aurait dû être difficile, c’est d’avoir le rendez-vous avec eux, mais comme on a démarré ensemble, tout était beaucoup plus simple. J’ai eu une chance folle. J’en suis totalement conscient.
Comment faisiez-vous pour retenir une photo et pas une autre ? D’abord, je faisais très peu de photos. Quatre ou cinq et c’était fini. Ensuite, dans le choix, je prenais toujours celle où le type est le mieux. Mon propos, c’est de mettre les gens en valeur. C’est très simple. J’ai horreur de cette mode des photographes qui enlaidissent les gens pour qu’on reconnaisse leur style. Que les gens voient que c’est une photo de moi, ça m’est totalement égal. Je ne sais même pas si j’ai un style.
Mon propos, c’est de mettre les gens en valeur. Je ne sais même pas si j’ai un style ”