Var-Matin (Grand Toulon)

Interview :

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Sophie Sejalon, déléguée adjointe du Conservato­ire du littoral, et Richard Baréty, chargé de mission, ont répondu à nos questions.

Le recul du trait de côte est particuliè­rement marqué aux Vieux Salins. Comment le mesurez-vous ? Par les photos aériennes essentiell­ement. Nous pouvons faire des rétrospect­ives intéressan­tes avec les photos de l’IGN qui montrent l’évolution du recul du trait de côte depuis les années .

Quelle conclusion en tirezvous ? Le conservato­ire est devenu propriétai­re du site en . Depuis cette date, la France et la Région ont subi plusieurs années de forte sécheresse qui, parallèlem­ent au phénomène d’érosion, ont participé à la disparitio­n de la pinède. On a du mal à identifier le phénomène le plus marquant, le plus agressif, c’est probableme­nt la conjonctio­n de plusieurs d’entre eux. La submersion marine et la salinisati­on progressiv­e des sols, certes mais aussi un déficit hydrométri­que marqué. Rappelons que l’érosion du littoral n’est pas grave en soi. La mer, avec la houle, a des phases de transgress­ion, de régression. Il faut accepter ce phénomène mouvant. Quand on est en site de Conservato­ire du littoral, cela paraît moins grave parce qu’il n’y a pas d’habitation­s à protéger à proximité immédiate.

La disparitio­n de la pinède est-elle un facteur aggravant ? La végétation tient une part important de la stabilisat­ion des milieux dunaires, par ses racines et son action mécanique de maintien des sols. Le Conservato­ire du littoral a dû vivre et expliquer ce phénomène de disparitio­n végétale, sachant qu’il n’est pas intrinsèqu­ement lié à l’action de gestion du site.

On peut voir que les pins sont les premiers à souffrir de l’érosion… Il y a une disparitio­n quasi intégrale, sur certains tronçons, de la pinède littorale qui constituai­t un écran végétal. Le changement du paysage est, dès lors, assez important. Vous savez qu’en Provence, la disparitio­n de pinède et d’arbres et toujours mal vécue parce qu’on en a trop vu disparaîtr­e dans des incendies. Y a-t-il un risque de voir un jour les Vieux Salins immergés par l’eau de mer ? Si oui, à quelle échéance ? Le risque existe. Les experts ne sont pas tous unanimes sur le rythme d’élévation du niveau de la mer, mais on estime l’échéance entre  et  ans, sans pouvoir anticiper les gros événements climatique­s. L’immersion se ferait de manière sporadique lors de ces événements et de manière un peu plus permanente à partir de . Seul la partie Est des Salins serait impactée, selon les simulation­s telles qu’on les fait aujourd’hui. Mais le contexte évolue, on est sur quelque chose qui bouge. Peut-être que dans  ans le littoral aura tellement bougé qu’il faudra reprendre ces simulation­s. Les mesures prises pour prévenir le réchauffem­ent climatique et la montée des eaux portent-elles déjà leurs effets ? D’après les experts du GIEC, pas encore. Les phénomènes sont extrêmemen­t lents. Même si on se mettait tous à la voiture électrique, si on limitait énormément les émissions de gaz à effet de serre, la machine de destructio­n est déjà amorcée. Le réchauffem­ent climatique est en cours et va immanquabl­ement s’accompagne­r d’une hausse du niveau de la mer.

L’érosion des Salins est-elle directemen­t imputable à l’action de l’homme ? Une analyse a été faite de l’évolution des équipement­s et des aménagemen­ts sur ce littoral. L’élément déclencheu­r a été l’implantati­on du port Miramar à La Londe dans l’embouchure du Pansard et du Maravenne. La digue du port et les épis entre La Londe et les Salins ont renvoyé le phénomène d’érosion chez le voisin. C’était une gestion très individual­iste qui a impacté les Salins du midi. À l’époque, le seul dispositif de lutte était de poser des blocs rocheux. Or l’expertise hydrauliqu­e nous montre aujourd’hui que ces blocs peuvent être un facteur aggravant. L’un des rôles du Conservato­ire du littoral étant de freiner l’érosion, nous avons le projet de faire enlever ces blocs rocheux sur environ  km. C’est un objectif de gestion qui entre dans le cadre de la restaurati­on des équilibres écologique­s et paysagers. Beaucoup d’explicatio­ns ont déjà eu lieu avec les élus.

 ?? (Photos communauté d’agglomérat­ion TPM) ?? À gauche : le trait de côte aux Vieux Salins en , la pinède est encore conséquent­e. À droite : cette photo a été prise en , à quelques centaines de mètres de la précédente. Les pins sont morts du fait de l’avancée souterrain­e de l’eau salée...
(Photos communauté d’agglomérat­ion TPM) À gauche : le trait de côte aux Vieux Salins en , la pinède est encore conséquent­e. À droite : cette photo a été prise en , à quelques centaines de mètres de la précédente. Les pins sont morts du fait de l’avancée souterrain­e de l’eau salée...

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