Emmanuel Macron le professionnel
François Fillon tente de poursuivre sa campagne malgré un soutien qui se délite, pendant que ne cesse d’enfler le scandale de l’affaire des emplois présumés fictifs de sa femme Penelope, qui s’étend aussi à deux de ses enfants. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a annoncé, hier, que la Haute Assemblée transmettrait « dans les plus brefs délais » des documents réclamés par le parquet financier sur les emplois de Marie et Charles Fillon, qui ont également été rémunérés par leur père quand il était sénateur. Les enquêteurs ont aussi entendu Igor Mitrofanoff, la « plume » et ancien assistant parlementaire de M. Fillon. Dans un message vidéo posté sur Facebook, l’ancien Premier ministre, accablé depuis dix jours par les révélations initiées par Le Canard enchaîné ,a répété, hier soir, qu’il « tiendrait bon ». Il a toutefois dit « comprendre » le « trouble » que suscite la cascade de révélations. Mais, sans compter les francstireurs de son camp, la gauche et le Front national qui l’accablent, les troupes des Républicains semblent hésiter. Plusieurs élus LR ont déclenché les hostilités : le sarkozyste Georges Fenech, le premier à dégainer mercredi, suivi de près par le juppéiste Philippe Gosselin, ainsi que le sénateur sarkozyste Alain Houpert ou, vendredi soir sur France 3 Limousin, par le président du conseil départemental de Corrèze, Pascal Coste, proche de Bruno Le Maire.
% des Français souhaitent un retrait
L’ancienne garde des Sceaux Rachida Dati, avec qui les relations sont glaciales, a estimé, hier matin chez Bourdin (BFMTV) que Fillon, donné éliminé dès le premier tour par plusieurs sondages, « paie le fait qu’il n’a pas su bien rassembler » et des «erreurs de communication ». Hier matin, l’un des piliers du camp Fillon, Gérard Larcher, président du Sénat, a démenti sur Twitter une information de L’Obs selon laquelle il se chargerait vite de « débrancher » le candidat en grande difficulté. Car en coulisses, on s’active à la recherche de solutions. À quelques mois des législatives, les parlementaires LR vont retourner, aujourd’hui et demain, en circonscription où les réactions des électeurs pourraient être fraîches. De son côté, François Fillon reprend son bâton de pèlerin et s’est calé des rendez-vous à son agenda chez deux ténors LR : à Troyes, mardi, chez François Baroin. Et à Poitiers, jeudi, chez Jean-Pierre Raffarin. Un voyage en Irak et au Liban, prévu ce week-end, a été annulé. Vendredi matin, 61 % des Français, selon un sondage Odoxa franceinfo, lui demandaient de se retirer. « Laisse béton » lui conseille en une le quotidien Libération dans son édition de d’aujourd’hui. Les planètes politiques seraient-elles en train de s’aligner, sans même qu’il le recherche, sur Emmanuel Macron ? Le meeting qu’il tient, aujourd’hui, à Lyon, la ville de celui dont le maire, Gérard Collomb, est son premier supporter, devrait être une démonstration de force : il s’agit de montrer que, de réunion publique en réunion publique, l’ancien ministre de l’Économie n’est pas seulement un amateur en politique, qu’il n’est pas seulement le benjamin du casting présidentiel , mais aussi un professionnel, un candidat méthodique qui gagne du terrain jour après jour. La bulle médiatique Macron n’a pas crevé. Ceux qui pensaient qu’Emmanuel Macron disparaîtrait vite de l’univers politique sont bien obligés de voir qu’il s’installe, et même qu’il progresse, propulsé, aujourd’hui, par les sondages en seconde position derrière Marine Le Pen. L’idée qu’il soit confronté avec la présidente du FN au second tour de la présidentielle aurait été jugée absurde il y a seulement quelques semaines. Elle ne l’est plus complètement aujourd’hui.
« Un candidat méthodique qui gagne du terrain jour après jour. »
Il faut dire que ses concurrents lui facilitent, sans le vouloir évidemment, la tâche. À gauche, le candidat désigné par la primaire, Benoît Hamon, appartient à l’aile gauche du Parti socialiste. À peine désigné, il a cherché à faire l’unité autour de lui en s’adressant aux écologistes et à Jean-Luc Mélenchon, avant même d’essayer de se rapprocher des vallsistes battus, et de Manuel Valls lui-même, leur laissant, en quelque sorte, le champ libre pour aller voir ailleurs. Quant à François Fillon, on ne sait s’il pourra même bénéficier du délai de quinze jours qu’il a demandé à l’état-major des Républicains. Le désarroi dans lequel est plongée une bonne partie des électeurs qui croyaient à son programme austère pour remettre à flots la France est profond. « Aidez-moi à résister ! », a lancé, avant-hier, le candidat de la droite et du centre : à résister à ses ennemis politiques certes, mais encore plus à ses amis qui le poussent vers la sortie, craignant une terrible défaite de la droite en avril. Pendant ce temps-là, Emmanuel Macron voit venir à lui des socialistes qui ne veulent pas de Benoît Hamon, des centristes jugeant irréalisable le programme de François Fillon, ou même d’anciens ministres de Jacques Chirac, comme Renaud Dutreil ou de Fillon lui-même, comme Anne-Marie Idrac. Autour de lui, une équipe encore restreinte de collaborateurs, très jeunes pour la plupart, accentue encore l’image de renouveau de leur leader, au moment où tant d’autres têtes sont tombées : en quelques semaines, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, demain peut-être Fillon, sans oublier, à gauche, François Hollande et Manuel Valls. Mais Emmanuel Macron saura-t-il répondre aux attentes de ces nouvelles recrues ? Le candidat ne peut compter exclusivement sur une petite troupe de fidèles. Il lui faut une organisation solide, des relais dans l’opinion publique, une petite troupe de porte-parole, et surtout la mobilisation d’un grand nombre de supporters, faute de militants prêts à l’aider. Emmanuel Macron compte sur le meeting de Lyon pour prouver qu’il est assez fort pour affronter ce combat.