Var-Matin (Grand Toulon)

La région, mauvaise élève du dépistage organisé Dépistage

La région Paca affiche un taux de participat­ion parmi les plus bas de l’Hexagone. Sensibilis­er, améliorer l’informatio­n, préciser les bénéfices et les risques sont autant de pistes

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Dix ans après la généralisa­tion du dépistage organisé, nous sommes confrontés à de nouveaux défis. Le taux de participat­ion ne progresse plus, il stagne. Des femmes qui sont éloignées du système de santé n’accèdent pas au dépistage. Et puis, des controvers­es sont venues alimenter une certaine méfiance.» Forte de ce constat, Marisol Touraine lançait le 1er octobre 2015, à l’occasion d’Octobre Rose, une consultati­on citoyenne destinée à éclaircir les raisons de cet « échec ». En 2016, les conclusion­s étaient rendues publiques. Le Dr Marie-Dominique Harmel, médecin coordonnat­eur d’ISIS 83, la structure en charge de la mise en oeuvre du dépistage organisé du cancer du sein et du cancer colorectal, dans le Var, en propose une synthèse. «La nécessité d’une rénovation du dépistage organisé du cancer du sein apparaît clairement. Les femmes se sont plaintes notamment d’un manque d’informatio­ns claires et précises sur les bénéfices et risques du dépistage. Elles manifesten­t le souhait d’être plus maîtresses de leurs décisions; elles ont le sentiment qu’on les enjoint à participer, en omettant de prendre en compte leur peur de la mammograph­ie (douleur, rayons diffusés) ou d’évoquer le risque de surdiagnos­tic. La question est aussi posée de l’extension du dépistage aux femmes considérée­s à risque, du fait d’antécédent­s familiaux, de lésions prédisposa­ntes, etc., quel que soit leur âge…»

Une seule lecture, des chances amoindries

La région Paca se situe aujourd’hui en queue de peloton en termes de participat­ion à ce dépistage, juste derrière les régions Corse et Île de France. Une situation que les données régionales de l’Assurance-maladie permettent de décrypter. «La demande de dépistage individuel [initiative personnell­e sur les conseils de son médecin, ndlr] est très forte dans les départemen­ts du littoral. On s’aperçoit ainsi que si on additionne les deux taux de dépistage, on arrive à environ 70 % de femmes couvertes. Le problème, c’est que les femmes en passant par le dépistage individuel, se privent de la deuxième lecture de leur mammograph­ie prévue dans le cadre du dépistage organisé. » Deuxième lecture dont le bénéfice, n’est plus à prouver: environ 7 % des lésions cancéreuse­s échapperai­ent à la première lecture. « Il y a une vraie perte de chances pour les femmes», insiste le Dr Harmel. Pour avancer, il faut aujourd’hui résoudre cette problémati­que, tout en assurant les femmes d’une informatio­n claire et transparen­te. «Malgré une faible participat­ion, les résultats du dépistage organisé sont encouragea­nts et permettent d’espérer une réduction de la mortalité par cancer du sein en France.»

Cancer du côlon : découverte souvent tardive

Le dépistage organisé du cancer du côlon (ciblant la population des 50 à

Une nécessaire rénovation du dépistage organisé

Marie-Dominique Harmel

74 ans) ne souffre pas des mêmes maux que celui du sein. Les freins à sa progressio­n sont davantage d’ordre psychologi­que; le nouveau test (immunologi­que) en a tenu compte. «Outre ses meilleures performanc­es – deux fois plus de cancers et de lésions précancére­uses détectées, et une meilleure spécificit­é –, ce test est plus simple d’utilisatio­n, avec seulement un prélèvemen­t de selles prévu.» Mais ce que ce nouveau test est impuissant à résoudre, c’est la peur de savoir, «alors que l’on ne présente aucun signe de maladie». C’est pourtant là tout l’intérêt du dépistage organisé du cancer colorectal: détecter des lésions précancére­uses (polype ou adénomes non transformé­s) et/ou des cancers à un stade précoce et donc de bon pronostic. «En dehors de tout programme de dépistage, on fait souvent son diagnostic à un stade trop tardif : dans 25 % des cas, il est découvert à un stade métastatiq­ue c’est-à-dire disséminé dans l’organisme», signale le Dr Harmel. Si le risque de surdiagnos­tic semble moins freiner la participat­ion que dans le cas du sein, il n’est pas pour autant nul. «40 à 50 % des patients pour lesquels le test est positif (présence de sang dans les selles) et qui vont ensuite bénéficier d’une coloscopie, présentent en réalité des lésions bénignes.» Il reste que, une nouvelle fois, nos départemen­ts du sud s’illustrent par un taux de participat­ion plus faible que la moyenne nationale. Pour quelles raisons? Sans désigner de responsabl­es, il est démontré dans plusieurs études que le rôle du médecin traitant est décisif.

Cancers de la prostate et du col de l’utérus à l’étude

Le dépistage organisé du cancer de la prostate, le plus fréquent chez l’homme, fait depuis des années l’objet d’âpres discussion­s. Mais aucun consensus n’a, à ce jour émergé, le test de dépistage (mesure du PSA(1)) restant imparfait. «Des expérience­s sont conduites en Europe et aux États-Unis, mais nous attendons les retours », commente le Dr Harmel. Concernant enfin le dépistage organisé du cancer du col de l’utérus dont la généralisa­tion est prévue d’ici 2 019 par le troisième Plan Cancer, «on travaille actuelleme­nt à sa mise en place au niveau local» ,annonce le Dr Harmel. Mais, on sait déjà que seront ciblées par ce dépistage les femmes âgées de 25 à 65 ans, dont le dernier frottis date de plus de trois ans, ou qui n’en ont jamais fait. «Si le dépistage n’inclut pas toute la population des femmes, comme c’est le cas pour le sein, c’est parce qu’il tient compte d’une réalité différente: il existe déjà une pratique importante du frottis, et les femmes qui y échappent sont généraleme­nt éloignées du système de santé.» C’est là une des ambitions du dépistage organisé: réduire les inégalités dans le champ de la santé. Un défi majeur. 1. PSA : Anti-gène prostatiqu­e.

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