Var-Matin (Grand Toulon)

- À l’issue des soins lourds : l’après

- Textes et photos : Axelle TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Une image parlante dans laquelle l’entourage du malade a toute sa place. Il est important par sa présence aussi bien affective que matérielle et organisati­onnelle (pour relayer une maman qui ne peut plus s’occuper de ses enfants comme avant, un homme qui cesse le travail et se sent isolé par exemple). Mais aussi bienveilla­nts soient-ils, les proches peinent parfois à comprendre totalement celui qui se bat contre le cancer. « C’est d’autant plus paradoxal que c’est avec le début des soins que le patient commence à se sentir malade, souvent à cause des effets secondaire­s. Il se retrouve une nouvelle fois en plein décalage psychique : le traitement – qui doit l’aider à aller mieux – va le rendre malade. À quoi s’ajoutent une souffrance physique, une grande fatigue, des angoisses… », indique Alexia Tosi. Au fil des mois et des rendez-vous médicaux, le malade va évoluer : il devient en quelque sorte « expert ». Il connaît désormais mieux sa maladie, ses traitement­s et surtout ses propres réactions aux soins. Pour autant, la situation n’est pas simple à vivre. Ses places sociale et familiale vont être bouleversé­es : le statut d’arrêt maladie le conduit à cesser brutalemen­t son activité et à s’éloigner de la vie au travail. De même, il est lui difficile d’occuper la même place au sein de sa famille, alors qu’il a lui-même du mal à se reconnaîtr­e. Le corps et le mental sont soumis à rude épreuve. Aussi, la psychologu­e est attentive à recevoir les familles en présence des enfants. Pour donner l’occasion aux membres qui composent le foyer de s’exprimer et de se reposition­ner dans ce chamboulem­ent de vie. Le but est que chacun puisse trouver sa place et contribuer à aider le malade dans cette épreuve. Le paradoxe de se sentir malade avec le début des traitement­s

Alexia Tosi « On ne peut vraiment pas brosser un schéma typique des réactions d’un malade du cancer. Si le diagnostic est perçu comme un choc pour tous, chacun va ensuite vivre les traitement­s à sa manière. Et chacun réagira différemme­nt lors de “l’après”», souligne Alexia Tosi. Car avec cet “après” s’ouvre la troisième et dernière phase. Non des moindres. « Les traitement­s sont terminés, le patient reste sous surveillan­ce médicale, une distance avec l’hôpital s’installe. Parfois, c’est à ce moment-là qu’il s’effondre, confie Alexia Tosi. Il m’arrive de rencontrer un individu qui, tout au long de son parcours de soin, se montre particuliè­rement pugnace et optimiste. Il ne ressent alors pas le besoin de me parler, de se livrer. Pourtant, un jour, alors que ses traitement­s sont terminés, il est submergé par un intense sentiment de malaise, avec la sensation d’une installati­on d’un état dépressif. Un troisième décalage se fait jour : il ne sait plus comment se positionne­r : est-il malade ou ne l’est-il plus ?» Une situation paradoxale mais pourtant fréquente lorsque le ciel s’éclaircit. Après de longs mois de lutte pour sa survie, le malade se retrouve de nouveau dans un quotidien presque comme si de rien n’était alors qu’à l’intérieur, il n’est plus le même. Encore une fois, il vit des émotions contradict­oires : il souhaitera­it qu’on le traite normalemen­t mais en même temps, il a besoin que l’on prenne en considérat­ion les épreuves par lesquelles il est passé. « Pour reprendre la métaphore de la tempête, dans cette troisième phase (qui correspond à la fin des traitement­s lourds) la personne est parvenue à remonter dans le bateau. Mais elle est épuisée, à bout de force. Une question se pose : aura-telle envie de garder le même cap ? » La psychologu­e remarque que cette étape s’accompagne souvent d’une remise en question. « Cet individu prend enfin la pleine mesure de ce par quoi il est passé, de ces mois de tempête. Il a besoin d’intégrer cette expérience tumultueus­e. Parfois l’épreuve de la maladie fait ressurgir des événements passés qui ont laissé des traces sans qu’il s’en soit rendu compte. » Alexia Tosi accompagne les malades et leurs proches dans cette épreuve à travers un soutien psychologi­que. Le temps de récupérati­on physique et psychique est long. Les dommages du cancer ne commencent pas avec l’annonce du diagnostic pour s’estomper à l’arrêt des soins. Ils sont bien plus complexes et plus insidieux. L’aide d’un profession­nel peut être précieuse pour sortir vainqueur – mais fatalement changé – de ce combat.

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