Var-Matin (Grand Toulon)

Christophe la Pinta, de bonne compositio­n

À 48 ans, le compositeu­r toulonnais multiplie les bandes originales de séries et de films, comme récemment, dans Cherif. Ses mélodies et sa modernité plaisent aux réalisateu­rs

- LYLIAN CASIER lcasier@nicematin.fr

Tous les vendredis soir, ses créations sonores accompagne­nt Kader Chérif et ses collègues de la série éponyme diffusée sur France 2 . Le Toulonnais Christophe La Pinta, 48 ans, est chargé de la compositio­n musicale de ce carton d’audience, qui réunit cinq millions de personnes chaque semaine. «C’est plus que TF1, c’est dire », charrie le compositeu­r. Bouc grisonnant finement taillé, lunettes carrées, chaussures Pierre Hardy, l’artiste porte un soin tout particulie­r à son look, comme à ses créations. « J’ai toujours aimé la sape », livre-t-il, sans vouloir s’attarder sur le sujet. « Ce qui m’intéresse, c’est mon métier. » Originale profession que celle de compositeu­r de bandes originales, d’ailleurs. « On est une trentaine en France à vivre de cette passion. » Essentiell­ement à Paris, où l’ancien du conservato­ire de Toulon est installé depuis sa jeunesse. « Créer une musique de film, ce n’est pas faire une chanson », alerte-t-il, d’emblée. Une volonté d’éviter toute confusion. La première différence, c’est qu’il pose ses sons sur des images, quand un musicien agit à contresens pour créer son clip. La seconde, c’est que sa musique doit plaire au réalisateu­r qui fait appel à lui. À en voir le CV de ce parisien d’adoption, il maîtrise la chose. Alice Nevers, Boulevard du palais, Section de recherches pour le petit écran. Erreur de la banque en votre faveur, et plus récemment, L’Affaire SK1 au cinéma. Série en cours...

Détour par Los Angeles avec Mike Post

Pour s’ouvrir une brèche dans ce milieu très fermé, Christophe La Pinta a donc su s’entourer de plusieurs cinéastes, à l’image de Frédéric Tellier, ou Nicolas Cuche, avec qui il a collaboré à cinq reprises. « Ila une vraie identité musicale et sait faire preuve de souplesse. Le dialogue réalisateu­r-compositeu­r n’est pas toujours évident, mais lui est à l’écoute. Et puis c’est un artiste moderne et talentueux qui construit de vraies mélodies», l’encense le Lyonnais Nicolas Cuche. Le talent a fait le reste. « J’ai notamment eu la chance de remporter un concours à Los Angeles quand j’avais 24 ans. » Il a été récompensé par la fondation BMI, l’équivalent américain de la Sacem (Société des auteurs, compositeu­rs et éditeurs de musique ), et a obtenu, en retour, de pouvoir bosser avec Mike Post, compositeu­r des séries Magnum, L’agence tous risques et New York police blues (NYPD Blues). C’est sur cette dernière série que les deux hommes ont collaboré. «Quand je suis rentré en France, après avoir côtoyé cette légende du métier, ça a lancé ma carrière. » Pour autant, difficile d’accéder à la reconnaiss­ance dans ce milieu de travailleu­rs de l’ombre. « On a une responsabi­lité importante. Tous les grands films, les séries à succès, ont des bandes-son de qualité, créées par de grands compositeu­rs. Mais qui reconnaît Hans Zimmer ou Alexandre Desplat dans la rue?», s’interroge-t-il. «Les journaux et programmes télé ne mettent même pas le nom des compositeu­rs… », regrette-t-il. Pas suffisant pour lui ôter l’envie d’innover et créer des sons pour la télévision et le cinéma. Un rêve de gosse qu’il poursuit un peu plus chaque jour. Et qui a débuté, enfant, au conservato­ire de Toulon. « J’avais seulement huit ans. J’étais percussion­niste. » Amateur de rock, le jeune varois a monté un groupe avec des amis, était batteur dans des orchestres, mais ne perdait pas de vue les bandes originales de films qu’il écoutait en boucle sur son MP3. «Mais, j’ai surtout toujours fabriqué des mélodies ! »

« Le Front national à Toulon, ça m’a gonflé »

Les premières sortent de son vieil Atari ST (une famille d’ordinateur­s), à l’époque où il côtoie les bancs du lycée Dumont d’Urville, le plus grand lycée de la ville, puis la fac de Nice, où il obtient une licence en musicologi­e. Une époque où le Front national siège à l’hôtel de ville de Toulon. « Ça m’a gonflé. On ne me parlait que de ça, notamment quand je suis monté à Paris. Culturelle­ment, c’était catastroph­ique. Mais ça a bien changé», se réjouit l’enfant du quartier de Saint-Jean. « Le centre-ville a de la gueule, il y a des galeries, des commerces, du théâtre, de bons restaurant­s. Et les Toulonnais ont l’air heureux. » Lui aussi, s’y sent bien. Il a récemment acheté un pied-à-terre au Cap Brun, à deux pas du front de mer. « Je suis à Paris parce que c’est là-bas que ça se passe, mais j’adore ma ville. » Peut-être que l’air méditerran­éen lui inspirera des compositio­ns qui lui permettron­t de s’exporter dans le monde. « Je n’en connais pas un qui ne souhaite pas bosser aux États-Unis », assure-t-il. Son modèle, Alexandre Desplat (The Grand Budapest Hotel, Un Prophète, Argo, Benjamin Button… )a franchi l’Atlantique. Lui espère bien le faire à son tour.

Un compositeu­r n’est pas un musicien”

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(Photo Frank Muller)

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