François Fillon livre sa vérité
Le candidat des Républicains a reconnu hier «une erreur» mais s’est défendu de toute illégalité, appelant à la remobilisation de son camp, dont il s’est présenté en seul champion envisageable
En tentant de concilier la chèvre et le chou, dans un improbable exercice d’équilibriste, François Fillon sera-t-il parvenu à effacer les doutes ? Se présenter droit dans ses bottes, assurer n’avoir jamais enfreint la loi, se poser en victime de l’acharnement médiatique, cela tout en adressant dans le même temps des excuses très formelles aux Français, le grand écart est-il tenable ? On le saura très vite. «Maintenant, le débat doit porter sur mon projet politique. On ne volera pas leur choix aux Français. Mon programme dérange le désordre établi, il est le seul à pouvoir redresser la France. Aucune instance n’a la légitimité pour remettre en cause le choix de la primaire. C’est une nouvelle campagne qui commence.» En colère, têtu, en guerre, François Fillon a d’emblée écarté toute velléité de renoncement. « Ce n’est pas le tribunal médiatique qui me jugera. Dix jours de lynchage médiatique, où seule l’accusation a eu la parole, et la violence des attaques contre moi, ont renforcé ma détermination.» Accusant les médias d’en avoir trop fait, le candidat de la droite ne s’est pas moins résigné à se déshabiller et à déposer de larges parcelles de sa vérité sur la table, toujours drapé dans sa vertu. « Je n’ai rien à cacher. Des accusations infondées me prennent pour cible. Pendant toutes ces années, j’ai oeuvré pour mon pays sans jamais enfreindre la loi. C’est le candidat de la droite et du centre qui est visé. Tous les faits évoqués sont légaux et transparents.»
Inventaire familial
Fillon a donc indiqué que son épouse Penelope avait été sa collaboratrice quinze années durant, à raison de 3677 € net mensuels, « un salaire justifié pour une diplômée de droit et de lettres ». Et d’expliquer qu’elle était utilisée à «des tâches diverses, simples mais essentielles»… «Elle a géré mon courrier, tenu mon agenda, a travaillé sur mes interventions dans la Sarthe, m’a représenté dans des manifestations culturelles, a traité les réclamations des Sarthois. Son salaire était justifié parce que son travail était indispensable à mes activités d’élu.» Elle ne possédait ni mail, ni badge de l’Assemblée nationale ? Comme tant d’autres attachés parlementaires, a balayé François Fillon. Son interview à une journaliste anglaise où elle indiquait ne pas se mêler de l’activité de son mari ? « Elle n’a jamais fait de politique ellemême à cette époque et elle n’a jamais été ma subordonnée », plaide Fillon, pour qui il s’agit d’une phrase détournée de son contexte. L’ancien Premier ministre a également évoqué les salaires mensuels d’environ 3000 euros net versés, durant quinze et six mois, à chacun de ses enfants, Charles et Marie. Il a poussé la dénudation contrainte jusqu’à dévoiler son patrimoine immobilier, à lister sa quinzaine de comptes bancaires et à évoquer sa société de conseil, pour en arriver, in fine ,àun semblant de repentance.
« Pratique rejetée »
« Tout cela était légal. J’ai agi selon un usage, certes légal, mais dont il est clair que nos concitoyens ne veulent plus. Collaborer avec sa famille est aujourd’hui une pratique rejetée par les Français, c’était une erreur, je le regrette profondément et je présente mes excuses aux Français. » Pour autant, il a farouchement écarté l’éventualité d’un remboursement: «Pourquoi rembourserais-je des sommes qui correspondent au travail de ma femme ? » Il propose, en revanche, de réformer le système dans son ensemble en instaurant « un nouveau statut des élus », rappelant que son projet prévoit déjà la réduction du nombre de parlementaires et le non-retour sur la loi de non-cumul des mandats, y compris contre la volonté de sa famille politique. Titillé sur la distorsion entre son confort personnel et les sacrifices demandés aux Français, François Fillon a rebondi: « Ce ne sont pas des efforts que je propose aux Français, c’est un travail pour tout le monde, c’est de redresser le pays pour que chacun ait une chance. »
« Pas de plan B »
Cette contre-offensive, nouveau plaidoyer pro domo bien davantage qu’acte de contrition, aura en définitive résonné comme un « moi ou le chaos ». Le matin même, Alain Juppé avait réitéré son refus de constituer un plan B. De fait, « il n’y a pas de plan B, sinon un plan Berezina» ,a tranché Fillon. C’est bien pour cela qu’il n’avait d’autre choix hier que de regarder droit devant, et Les Républicains de se remettre en ordre de marche derrière lui, dans un exercice de com’ parfaitement calibré. Au risque, à trop user de la méthode Coué, de garder des oeillères sur l’ampleur du fossé creusé avec les Français. A minima, le candidat aura affirmé une pugnacité et une autorité de nature à le réconcilier avec son électorat. Suffisant ?