Var-Matin (Grand Toulon)

Toujours debout

- Par CLAUDE WEILL

Encaisser, remiser. Tout le secret de la boxe est là. Et celui du combat politique qui, parfois, lui ressemble tant. Tous les pratiquant­s vous le diront: en boxe, pour bien se défendre, il faut d’abord accepter de subir des dommages. Quant on joue sa peau, le but n’est pas d’éviter les coups de l’adversaire mais de puiser dans la douleur la force de frapper plus vite, plus fort. Après avoir longtemps cherché à esquiver – à coup de demi-vérités, de ripostes brouillonn­es et de réponses que lui-même qualifie d’«imprécises» -, François Fillon, dos au mur, a accepté hier de se mettre dans le dur.

Oui, il le reconnaît, il a reçu un coup à l’estomac. Il a été «déstabilis­é». Et il en paie le prix, cash, en se résignant à ce qu’il avait jusqu’ici voulu éviter: reconnaîtr­e une «erreur» qu’il «regrette profondéme­nt». Ladite erreur, croit-on comprendre au travers de formulatio­ns habilement ambiguës, étant d’ailleurs moins d’avoir employé les siens que d’avoir mis trop longtemps à comprendre que ces pratiques hier «acceptable­s» ne le sont plus aujourd’hui. Une erreur de jugement, en somme, une faute politique plutôt qu’une faute morale. Mais une erreur quand même. Sinon, il ne serait pas senti obligé de présenter ses excuses aux Français. La démarche, manifestem­ent, lui coûtait. Elle vient bien tard. En boxe, on dirait qu’il a mis un genou à terre. Il a été même compté. Et puis il s’est relevé.

Quoi qu’on pense de l’affaire sur le fond, force est de constater que le François Fillon d’hier n’était pas le même qu’on a vu, sévèrement touché, dans la vidéo postée vendredi sur Facebook. Le regard était ferme, l’expression maîtrisée. L’attitude, celle d’un homme décidé à rendre coup pour coup. Des coups, il y en a eu pour tout le monde. Tous ceux qui ont cherché à l’ «assassiner politiquem­ent». La presse, pardi! Mais aussi le parquet financier, dont il conteste la compétence et suggère qu’il pourrait être l’instrument d’une «opération montée». Et derrière eux, le «système» ,qui rêve d’un duel Macron-Le Pen et voudrait «voler le choix» des électeurs de droite. La contre-attaque, très politique, visait

d’abord à dissiper le doute qui gagnait son camp. Avis aux électeurs troublés, tentés d’aller voir ailleurs; avis aux ambitieux qui dans l’ombre aiguisaien­t leur couteau: ce sera lui ou la défaite. Il n’y a pas de plan B. «Le plan B, c’est le plan Bérézina.» François Fillon a-t-il gagné son combat? La suite le dira. A la justice d’établir les faits et de vérifier si, comme il l’assure, tout était «strictemen­t légal». Aux Français – au-delà du cercle des Républicai­ns convaincus – de décider si l’«erreur» est pardonnabl­e. Il a en tout cas marqué des points. S’il n’est pas tiré d’affaire, et n’a pas encore retrouvé le statut de favori de la présidenti­elle qui était le sien il y a quelques semaines encore, il a en tout cas parlé en patron de la droite et balayé les spéculatio­ns du microcosme. Tous ceux qui espéraient ou redoutaien­t sa chute prochaine doivent se rendre à l’évidence: Battling Fillon est toujours debout.

« La contre-attaque, très politique, visait d’abord à dissiper le doute qui gagnait son camp. »

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