Var-Matin (Grand Toulon)

Marie-Claude Pietragall­a danse avec le couple Ce double regard sur la création est excitant”

L’ancienne étoile et son compagnon Julien Derouault, tous deux chorégraph­es, metteurs en scène et comédiens donnent leur nouveau spectacle à guichets fermés, à l’opéra

- PROPOS RECUEILLIS PAR VALÉRIE PALA

Le couple, dans toute sa simplicité et sa complexité. Du coup de foudre au temps qui passe, comme dirait Léo Ferré. Ils ont d’ailleurs emprunté à ce dernier, le titre de leur création, Je t’ai rencontré par hasard. C’est à une plongée dans le mystère de la relation que vont se livrer MarieClaud­e Pietragall­a et Julien Derouault, son compagnon sur scène et dans la vie. Le spectacle est déjà complet,ce soir, à l’opéra de Toulon. Alors pour ceux qui ne pourront pas le voir, l’ancienne danseuse étoile de l’Opéra de Paris, nous en offre sa vision.

Marie-Claude, est-ce que ce spectacle vous a appris des choses sur la relation de couple et l’amour ? Avec Julien Derouault, dans le Théâtre du corps que nous avons créé, on fait un travail autour de la relation à l’autre (). Sur Je t’ai rencontré par hasard, effectivem­ent, on est obligés de puiser dans notre vécu personnel, donc on découvre des choses. On a commencé le spectacle en s’interviewa­nt l’un et l’autre pour savoir ce que pouvait représente­r la solitude pour nous. On s’est aperçus – je ne sais pas si c’est parce que nous sommes un homme et une femme – que nous n’avons pas la même vision. Après, on s’est interrogés sur la rencontre avec l’autre, comment un couple se constitue avec l’amour qui peut grandir et le quotidien qui s’installe. Et puis à côté de ça, des questions très intimes sur la vie à deux : quand on est deux, est-ce qu’on est un ou est-ce qu’on est deux identités créant un troisième personnage ? C’est un peu ce qu’on défend, c’est-à-dire que le couple devient un personnage à part entière. Avec Julien, on a beaucoup observé, d’abord dans notre propre famille, les gens mariés depuis très longtemps qui finissent par prendre l’intonation de l’autre, l’identité presque de l’autre. Et en même temps, moi je pars du principe qu’on ne perd pas de soi-même quand on est en couple. On gagne quelque chose de supplément­aire. Moi, je pense que notre individual­ité fructifie.

Ce n’est pas la pensée la plus communémen­t admise… Oui, aujourd’hui on a l’impression qu’à partir du moment où on parle de couple fusionnel, les deux personnes ne font plus qu’un mais je ne crois pas qu’elles s’annulent et qu’elles perdent quelque chose d’ellesmêmes. Au contraire, elles s’enrichisse­nt et c’est ça qui est très intéressan­t de voir dans Je t’ai rencontré par hasard.

Comment travaille-t-on avec son compagnon ? On est habitués parce que ça fait un peu plus de dix-huit ans qu’on travaille ensemble. Il s’est instauré une façon de faire. Ou au contraire, du fait que deux personnes s’enrichisse­nt l’une l’autre, c’est vraiment dans l’idée que chacun rebondit sur l’autre. Il n’y a pas de chasse gardée, on est ouverts sur le choix de la musique, des artistes, des thèmes… En même temps, on apporte, par le fait qu’on soit un couple, une féminité et une masculinit­é dans la chorégraph­ie et dans les thèmes, qui sont intéressan­ts. On aime bien mélanger ça pour que les gens nous disent : “Ce passage-là, c’est Pietra qui l’a créé”. Eh bien non, c’est Julien, et vice-versa. C’est ce double regard sur la création que je trouve très excitant. Et ça permet de ne jamais se reposer sur les acquis. Julien va chambouler mon univers, et moi le sien. C’est comme cela qu’au fur et à mesure, les choses s’enrichisse­nt et évoluent.

Vous dites « le langage du corps est un mystère». Comment vous concevez votre danse pour approcher ce mystère ? Ça fait appel à un autre niveau de conscience, la danse. On est dans quelque chose qui est de l’ordre du spirituel, du sacré, de l’animalité, du rapport à la nature. C’est pour ça qu’au Théâtre du corps, on travaille beaucoup sur l’inconscien­t. Comment à travers des choses qui nous ont portés, à travers des choses qui nous ont sociologiq­uement, géographiq­uement, religieuse­ment influencés, comment à travers cet héritage, on est modifiés, transformé­s. 1. Le Théâtre du corps est la compagnie de danse créée par le couple en 2004. La tentation d’Eve en 2009 se penchait sur l’histoire de la femme. Le sujet du couple se retrouvait, dans Monsieur et madame

Rêve (2013) d’Eugène Ionesco ou Les chaises ? (2012), une adaptation présentée au festival d’Avignon.

On travaille beaucoup sur l’inconscien­t ” Tout le monde peut danser ”

 ?? (Photo DR/Pascal Elliott) ?? « Moi je pars du principe qu’on ne perd pas de soi-même quand on est en couple. On gagne quelque chose de supplément­aire. Moi, je pense que notre individual­ité fructifie », confie MarieClaud­e Pietragall­a.
(Photo DR/Pascal Elliott) « Moi je pars du principe qu’on ne perd pas de soi-même quand on est en couple. On gagne quelque chose de supplément­aire. Moi, je pense que notre individual­ité fructifie », confie MarieClaud­e Pietragall­a.

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