Var-Matin (Grand Toulon)

Herrou : « Nous irons jusqu’au bout et même encore plus loin »

- PROPOS RECUEILLIS PAR GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Cédric Herrou, agriculteu­r de Breil-sur-Roya, figure de proue de l’aide aux migrants, a comparu le 4 janvier dernier à Nice pour aide à l’entrée, au séjour et à la circulatio­n d’étrangers en situation irrégulièr­e. Le parquet a requis huit mois de prison avec sursis à son encontre. Le jugement doit être rendu vendredi. Un grand rassemblem­ent de soutien est prévu à Lille aujourd’hui, demain à Paris et vendredi matin à 8 h 30 place du palais de Justice de Nice. Interview.

Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques jours du jugement ? Je suis serein, déterminé. Je m’adapterai à la situation. Je suis en troisième et j’ai une boîte six vitesses.

Irez-vous jusqu’au bout du combat judiciaire ? Ferez-vous appel en cas de condamnati­on ? Évidemment. Nous irons jusqu’au bout et même encore plus loin ! Nous avons établi plusieurs plaintes contre le Départemen­t et la préfecture des AlpesMarit­imes pour mise en danger de mineurs. Un collectif d’avocats français et italiens est en train de se monter avec des gens résolus, très compétents.

Vous changez de mode d’action ? Oui. Au début j’ai réagi un peu dans l’urgence. La seule solution que j’avais trouvée pour répondre à cette détresse humaine, c’est de les mettre dans ma voiture et de les faire passer. J’ai vu les limites de mon fonctionne­ment. Maintenant nous allons faire du juridique, du juridique, rien que du juridique. Nous allons nous placer sur le terrain légal et ça va faire mal. Car on est dans notre droit, dans notre devoir. Ce collectif recensera tous les gamins qui ont été reconduits illégaleme­nt en Italie.

Le problème des mineurs vous préoccupe ? Il va falloir que la préfecture se justifie face à la reconduite systématiq­ue de mineurs isolés. Nous sommes gouvernés par des hommes politiques à visée électorali­ste qui se servent de la migration pour des discours populistes. Quand j’entends Eric Ciotti qui dit que les migrants sont des terroriste­s, c’est une insulte à des peuples ; à des religions. Ces personnes, ces gamins que nous aidons sont en souffrance, ils fuient la guerre, les persécutio­ns. Sa responsabi­lité de président du conseil départemen­tal est la prise en charge effective des mineurs isolés. Ce n’est pas le cas.

C’est-à-dire ? À Vintimille il y a  % de mineurs. Il y a eu   reconduite­s à la frontière en  et seulement  mineurs pris en charge, dont  par nous. Au niveau des chiffres ça ne colle pas ! Les gamins sont arrêtés à Cannes, Nice et reconduits.  % des mineurs qui sortent de l’Assistance sociale éducative sont reconduits en Italie. Tout ce système coûte énormément d’argent, ne sert à rien, et traumatise ces gamins.

Vous changez votre mode d’action. Est-ce à dire que vous abandonnez l’idée de faire passer des migrants avec vous ? Si la nuit j’en vois qui sont en danger immédiat, je les prendrai dans ma bagnole et je continuera­i à le faire. C’est légal de porter assistance, quelle que soit la couleur de peau. La justice veut-elle faire de vous un exemple ? C’est même un exemple de justice à deux vitesses. C’est un procès politique. Rendez-vous compte ! Avec cette perquisiti­on chez moi et des policiers en tenue d’assaut faisant sortir trois gamins en les tenant en joue, on est dans un autre monde ! Les autorités pètent un câble.

Recevez-vous toujours autant de courriers ? Un peu moins de menaces de mort, heureuseme­nt.

Des menaces de mort ? Oui, beaucoup. Google n’a toujours pas enlevé mon nom et mon adresse dans les recherches. Je leur avais adressé une demande par écrit, ils m’avaient rappelé. La personne que j’avais eue au téléphone avait bien compris que j’étais menacé de mort. Elle m’a même dit que j’avais le soutien de Google France. J’attends qu’ils l’enlèvent maintenant.

Vous recevez aussi des courriers de soutien ? Énormément. Avant je trouvais surtout des factures dans ma boîte aux lettres, aujourd’hui ce sont majoritair­ement des messages d’encouragem­ent. Des courriers sympas, plein d’humanité.

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