Le virus anti-système
Jamais une élection présidentielle n’a été aussi indécise. Toutes ont réservé des surprises mais, dans aucune des neuf compétitions précédentes, les postulants à la victoire n’étaient aussi nombreux à deux mois et demi du scrutin. Bien malin qui peut dire, aujourd’hui, l’issue de la bataille. Mais, d’ores et déjà, cette campagne a fait une victime : la démocratie. Le fait est sans précédent : les cinq grands – Le Pen, Fillon, Macron, Hamon, Mélenchon – avec des positions radicalement différentes ont tous en commun de dénoncer « le système ». Comme s’ils sortaient du néant ! Comme si aucun d’entre eux n’avaient un passé ! D’où viennent-ils, pourtant, ces candidats sinon du système ! Commençons par Marine Le Pen, la dénonciatrice en chef. Parlementaire européen, conseillère régionale, elle est à la tête d’un Front national âgé désormais de ans en même temps que l’héritière de son fondateur, Il n’y a pas plus conformiste que cette carrière politique-là. Que dire de François Fillon, lui aussi contempteur de l’ordre établi ! Assistant parlementaire très jeune du gaulliste Joël Le Theule, il a hérité de sa circonscription en et vécu depuis par et pour le système : député, sénateur, ministre plusieurs fois, Premier ministre, bien protégé durant toutes ces années dans le giron du RPR puis de l’UMP. Venons en Emmanuel Macron : énarque, il est un pur produit de cette technocratie qui contrôle les rouages du pays, voie royale aussi pour faire carrière en politique. Il a vécu dans ce cocon, n’en est sorti que quatre années, réfugié dans la banque Rothschild, avant de rejoindre l’Élysée, puis le ministère de l’Économie. Néanmoins, il n’a pas assez de mots pour critiquer ce monde qui l’a fabriqué. Poursuivons : Benoît Hamon, soi-disant homme neuf, révolutionnaire en peau de lapin qui mène depuis l’âge de ans une vie d’apparatchik au coeur de l’appareil du PS avec une brève parenthèse de trois ans dans la vie réelle au sein d’un institut de sondage. Une carrière protégée dans l’univers partisan. Tout comme le « dégagiste » Jean-Luc Mélenchon, le candidat qui veut tout passer par-dessus bord, entré au Parti socialiste à l’âge de ans, professionnel de la politique depuis lors, produit au même titre que ses quatre concurrents du système qu’il passe son temps à fustiger. Ce constat serait amusant s’il n’était pas tragique. Au fond, il donne la dimension démagogique de cette campagne. Il en révèle aussi les dangers. À force de chauffer à blanc les citoyens, on contribue à ébranler le coeur de ce système : la démocratie. On déboussole les électeurs et on les égare. Certes, il ne s’agit pas de dire que le système est idéal et ne doit pas évoluer mais il mérite autre chose que cette remise en cause bassement populiste comparable à celle de Donald Trump. C’est ainsi que l’on fabrique des catastrophes.
« Bien malin qui peut dire, aujourd’hui, l’issue de la bataille. Mais, d’ores et déjà, cette campagne a fait une victime : la démocratie. »