Var-Matin (Grand Toulon)

Thibaut Jost: entreprene­ur satiné de la tête aux pieds

Précoce, le Varois a puisé son énergie dans une enfance atypique pour faire son trou à Toulon. Il a racheté un hôtel du centre à seulement 26 ans, avant de reprendre le Satyn’s, il y a cinq ans

- LYLIAN CASIER lcasier@nicematin.fr

La carrure s’apparente à celle d’un sportif plutôt qu’à celle d’un chef d’entreprise. Le look soigné et les baskets qu’il porte aux pieds renforcent cet a priori. Seul le blazer – qu’il quittera volontiers lors de notre entretien – rappelle qu’il est le patron d’une soixantain­e de personnes. Toutes travaillen­t dans ses deux hôtels de Toulon et La Garde, ainsi qu’au Satyn’s, établissem­ent de nuit du Mourillon. À seulement 36 ans, Thibaut Jost s’est fait un nom à Toulon. Pressé. « J’ai fait les bonnes rencontres, notamment ma femme Alix, une intellectu­elle, qui m’a toujours aidé à prendre les bonnes décisions », confie le Hyérois. Comme celle de racheter, à seulement 26 ans, le Celenya, un petit hôtel du centre-ville où il nous accueille. « J’ai économisé plusieurs années, je gardais l’argent de mes saisons en restaurati­on, et j’ai tout retapé après avoir racheté l’hôtel. »

« On m’a promis l’amputation »

Un hôtel qu’il dit « social », comme une annexe de Chalucet où vivaient des malades. « On les a laissés partir, progressiv­ement, deux sont même morts pendant qu’on faisait les travaux.» Deux drames qui l’ont profondéme­nt marqué, lui l’enfant malade, qui a enchaîné les phlébites et les embolies pulmonaire­s, à cause d’une infection veineuse. « On m’a promis l’amputation, puis la mort à l’adolescenc­e. J’ai eu mal, plusieurs fois, au point de penser au pire. Mais je suis encore là, je n’ai plus peur de la mort. » Du sol au plafond, il a retapé chaque chambre du Celenya et a redonné ses lettres de noblesse à cet immeuble situé à deux pas de la place de la liberté. Le Satyn’s, qu’il a repris en 2012, a multiplié son chiffre d’affaires par cinq et est redevenu un lieu incontourn­able des nuits toulonnais­es. « C’est une bête de travail et il est fait pour ça, assure Marin, son frère et salarié. Il a cet état d’esprit propre à ceux qui font des affaires. Je n’ai jamais douté de sa réussite. Il est dur mais juste. »

« J’ai été élevé dans une meute »

« Ça a été difficile », concède cependant ce solide gaillard. « J’ai été élevé dans une meute, on était neuf frères et soeurs. Alors forcément, l’amour était partagé. » Trop ? « Oui », dit-il sans sourciller. Sa mère, alcoolique, est très peu présente. C’est son père, VRP, qui élève la famille. À la dure. « Je n’ai pas eu le droit de sortir avant mes 18 ans. Pas de filles, pas de football, tout pour les études. Et celui qui marchait de travers, il prenait la porte.» C’est ce qui est arrivé à son petit frère de douze ans, en proie à des problèmes multiples (alcool, drogue dur, vol), et qui s’est retrouvé dehors du jour au lendemain.

Le bonheur ? « Avoir le choix »

« Dans cet univers, j’étais le grand frère, celui à qui on confiait les secrets, celui qui calmait le jeu », raconte cet actionnair­e du Sporting Club de Toulon, parti de chez lui à 19 ans. Mais Thibaut Jost tient à ne pas dramatiser son enfance. « On mangeait des huîtres tous les jours, on ne manquait de rien, mais on ne partait pas en vacances. C’était bizarre… » Un drôle de monde dans lequel il se sentait à sa place, jusqu’à il y a peu. « Ma femme, mes filles, c’est elles qui m’ont fait prendre conscience de l’enfance atypique j’avais vécue. Je croyais être heureux, mais je ne l’étais pas, en fait. » Sa définition du bonheur? « Avoir le choix. Le choix de profiter de sa famille, de se reposer, de travailler. » Ce choix, il ne l’a jamais eu durant sa jeunesse. Alors il rattrape le temps perdu.

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(Photo Fabrice Creff) La déterminat­ion se lit dans le regard du Hyérois, qui réussit tout ce qu’il entreprend.

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