Les Experts varois
Le siège de la gendarmerie, à La Valette, abrite un plateau technique flambant neuf. La cellule d’identification criminelle est chargée de détecter et traiter les indices au profit des enquêteurs
La gendarmerie du Var nous a ouvert les portes de son laboratoire, à La Valette, où sont analysés les indices prélevés sur les scènes de crimes et délits.
Quand on voit débarquer la camionnette blanche des techniciens en identification criminelle (TIC), ça n’est pas vraiment bon signe. Ce véhicule est susceptible de se rendre dans n’importe quelle zone du département placée sous la responsabilité de la gendarmerie. « Nous intervenons sur les crimes (meurtres, viols, etc.), et sur certains délits : modes opératoires particuliers, notion de sérialité, affaires sensibles…», glisse l’adjudant-chef Jean-Yves Gillard, à la tête de la cellule d’identification criminelle. Cette unité spécialisée, notamment dans la recherche et le traitement d’indices, regroupe sept militaires. Elle est implantée dans les locaux du siège de la gendarmerie du Var, au coeur de l’écoquartier Entrevert à La Valette. Comme la plupart des services départementaux de la gendarmerie (analystes, renseignement, cyber-enquêteurs, etc.), la cellule travaille au profit des brigades qui maillent le territoire (1).
Des enquêtes relancées
Parfois les magistrats font appel aux TIC pour tenter de« sauver une enquête » qui piétine. Et le chef des TIC varois d’évoquer le cas où deux gouttes de sang décelées dans un pot de fleurs ont permis d’élucider un crime non signalé dans le golfe de Saint-Tropez. « L’intérieur de la maison avait été nettoyé et les murs entièrement repeints. » Ou encore cette histoire d’homicide maquillé : « Un homme avait aspergé sa femme d’essence avant de mettre le feu à leur camping-car. » Les constatations des TIC avaient permis de mettre à mal la thèse de l’accident.
Un couteau suisse ambulant
Si elle ne paie pas de mine à première vue, la fourgonnette blanche des TIC recèle des fonctionnalités cachées : « C’est un PC (poste de commandement, Ndlr) mobile, une salle de réunion équipée en eau potable et en électricité. On a un groupe électrogène, la clim, un frigo, le téléphone… Et les mallettes de matériel par spécialité : balistique, etc. » Bref, toute la panoplie qui permet de passer au peigne fin la scène d’un crime ou d’un délit. Le luminol, cette molécule qui vire au bleu luminescent au contact de traces de sang – même effacées – reste un symbole de la discipline. Mais les TIC, derrière leurs masques de chirurgien et survêtus de combinaisons blanches, vont aussi s’attacher à repérer, isoler et conditionner les traces jugées pertinentes. « On cible les endroits, par exemple en fonction de la vidéosurveillance .» Il s’agit de détecter les objets susceptibles de porter des empreintes papillaires (digitales ou palmaires) et/ou des traces biologiques (ADN) pour confondre le ou les malfaiteurs. Les indices placés dans « des scellés propres » sont alors chargés dans la camionnette blanche et prennent la direction du vaisseau amiral de la gendarmerie à La Valette. Un bâtiment flambant neuf (livré fin 2015) dans lequel la cellule d’identification criminelle occupe un vaste espace au rez-de-chaussée.
Comme à la télé (ou presque)
Là, derrière une porte sécurisée, les militaires disposent d’un plateau technique qui fait penser à la fameuse série télévisée américaine Les Experts. À quelques différences près, sourit Jean-Yves Gillard, qui ne rechigne pas à entretenir le mystère : « On ne va pas tout révéler pour ne pas donner d’armes à nos ennemis .» Dans leurs trois labos – optique, physico-chimique et biologique –, les spécialistes de la gendarmerie manipulent des substances capables de faire apparaître des empreintes sur des supports parfois improbables. Ils jonglent avec les longueurs d’ondes de la lumière pour révéler des traces a priori invisibles. Photographient les empreintes ainsi révélées, et les comparent in situ en observant « les minuties » (les points de différenciation) digitales. De quoi mettre en cause (ou pas) un suspect avant même l’expiration du délai de sa garde à vue – un timing précieux pour les enquêteurs qui peuvent adapter leurs interrogatoires en conséquence. « On n’est pas là pour incriminer quelqu’un, on est là pour dire s’il était présent ou pas .» Et si les enquêteurs n’ont pas de suspect sous la main, les empreintes seront transmises à un service national centralisé pour voir si elles correspondent avec celles d’un individu fiché. Il en va de même avec les échantillons ADN, conditionnés à La Valette, dont l’extraction, avant comparaison avec un fichier national, sera confiée à un labo spécialisé (public ou privé). Un univers assez fascinant où sont mis en oeuvre les protocoles techniques les plus pointus. Avec des perspectives d’évolution impressionnantes, comme le portrait-robot établi à partir d’un simple échantillon d’ADN.
1. Notamment les brigades de recherches de Brignoles, Draguignan, Gassin/Saint-Tropez, Hyères et La Valette, et le détachement de la section de recherches de Fréjus.