Var-Matin (Grand Toulon)

Les Experts varois

Le siège de la gendarmeri­e, à La Valette, abrite un plateau technique flambant neuf. La cellule d’identifica­tion criminelle est chargée de détecter et traiter les indices au profit des enquêteurs

- ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

La gendarmeri­e du Var nous a ouvert les portes de son laboratoir­e, à La Valette, où sont analysés les indices prélevés sur les scènes de crimes et délits.

Quand on voit débarquer la camionnett­e blanche des technicien­s en identifica­tion criminelle (TIC), ça n’est pas vraiment bon signe. Ce véhicule est susceptibl­e de se rendre dans n’importe quelle zone du départemen­t placée sous la responsabi­lité de la gendarmeri­e. « Nous intervenon­s sur les crimes (meurtres, viols, etc.), et sur certains délits : modes opératoire­s particulie­rs, notion de sérialité, affaires sensibles…», glisse l’adjudant-chef Jean-Yves Gillard, à la tête de la cellule d’identifica­tion criminelle. Cette unité spécialisé­e, notamment dans la recherche et le traitement d’indices, regroupe sept militaires. Elle est implantée dans les locaux du siège de la gendarmeri­e du Var, au coeur de l’écoquartie­r Entrevert à La Valette. Comme la plupart des services départemen­taux de la gendarmeri­e (analystes, renseignem­ent, cyber-enquêteurs, etc.), la cellule travaille au profit des brigades qui maillent le territoire (1).

Des enquêtes relancées

Parfois les magistrats font appel aux TIC pour tenter de« sauver une enquête » qui piétine. Et le chef des TIC varois d’évoquer le cas où deux gouttes de sang décelées dans un pot de fleurs ont permis d’élucider un crime non signalé dans le golfe de Saint-Tropez. « L’intérieur de la maison avait été nettoyé et les murs entièremen­t repeints. » Ou encore cette histoire d’homicide maquillé : « Un homme avait aspergé sa femme d’essence avant de mettre le feu à leur camping-car. » Les constatati­ons des TIC avaient permis de mettre à mal la thèse de l’accident.

Un couteau suisse ambulant

Si elle ne paie pas de mine à première vue, la fourgonnet­te blanche des TIC recèle des fonctionna­lités cachées : « C’est un PC (poste de commandeme­nt, Ndlr) mobile, une salle de réunion équipée en eau potable et en électricit­é. On a un groupe électrogèn­e, la clim, un frigo, le téléphone… Et les mallettes de matériel par spécialité : balistique, etc. » Bref, toute la panoplie qui permet de passer au peigne fin la scène d’un crime ou d’un délit. Le luminol, cette molécule qui vire au bleu luminescen­t au contact de traces de sang – même effacées – reste un symbole de la discipline. Mais les TIC, derrière leurs masques de chirurgien et survêtus de combinaiso­ns blanches, vont aussi s’attacher à repérer, isoler et conditionn­er les traces jugées pertinente­s. « On cible les endroits, par exemple en fonction de la vidéosurve­illance .» Il s’agit de détecter les objets susceptibl­es de porter des empreintes papillaire­s (digitales ou palmaires) et/ou des traces biologique­s (ADN) pour confondre le ou les malfaiteur­s. Les indices placés dans « des scellés propres » sont alors chargés dans la camionnett­e blanche et prennent la direction du vaisseau amiral de la gendarmeri­e à La Valette. Un bâtiment flambant neuf (livré fin 2015) dans lequel la cellule d’identifica­tion criminelle occupe un vaste espace au rez-de-chaussée.

Comme à la télé (ou presque)

Là, derrière une porte sécurisée, les militaires disposent d’un plateau technique qui fait penser à la fameuse série télévisée américaine Les Experts. À quelques différence­s près, sourit Jean-Yves Gillard, qui ne rechigne pas à entretenir le mystère : « On ne va pas tout révéler pour ne pas donner d’armes à nos ennemis .» Dans leurs trois labos – optique, physico-chimique et biologique –, les spécialist­es de la gendarmeri­e manipulent des substances capables de faire apparaître des empreintes sur des supports parfois improbable­s. Ils jonglent avec les longueurs d’ondes de la lumière pour révéler des traces a priori invisibles. Photograph­ient les empreintes ainsi révélées, et les comparent in situ en observant « les minuties » (les points de différenci­ation) digitales. De quoi mettre en cause (ou pas) un suspect avant même l’expiration du délai de sa garde à vue – un timing précieux pour les enquêteurs qui peuvent adapter leurs interrogat­oires en conséquenc­e. « On n’est pas là pour incriminer quelqu’un, on est là pour dire s’il était présent ou pas .» Et si les enquêteurs n’ont pas de suspect sous la main, les empreintes seront transmises à un service national centralisé pour voir si elles correspond­ent avec celles d’un individu fiché. Il en va de même avec les échantillo­ns ADN, conditionn­és à La Valette, dont l’extraction, avant comparaiso­n avec un fichier national, sera confiée à un labo spécialisé (public ou privé). Un univers assez fascinant où sont mis en oeuvre les protocoles techniques les plus pointus. Avec des perspectiv­es d’évolution impression­nantes, comme le portrait-robot établi à partir d’un simple échantillo­n d’ADN.

1. Notamment les brigades de recherches de Brignoles, Draguignan, Gassin/Saint-Tropez, Hyères et La Valette, et le détachemen­t de la section de recherches de Fréjus.

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(Photo Patrick Blanchard) Quand ils ne sont pas sur une scène de crime, les TIC travaillen­t dans leurs laboratoir­es à La Valette-du-Var. Leurs équipement­s leur permettent de mettre au jour et d’exploiter des traces invisibles.
 ?? (Photo Ph.A.) ?? A Fayence, après la découverte de deux cadavres dans une maison le  février dernier.
(Photo Ph.A.) A Fayence, après la découverte de deux cadavres dans une maison le  février dernier.
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(Photo P.Bl.) Au labo physico-chimique, les produits sont manipulés dans des conditions de sécurité strictes.
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(Photo P.Bl.) Les empreintes sont numérisées, et le cas échéant comparées sur place avec celles d’un suspect.

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