Var-Matin (Grand Toulon)

Travaux de la paroisse : le curé éteint la polémique

À Draguignan, un entreprene­ur du bâtiment proposant généreusem­ent son aide pour rénover la maison paroissial­e aurait été écarté, car il est musulman… Un malheureux malentendu

- P. MACHINOT

Cette histoire remonte à décembre dernier. La paroisse de Draguignan vient de lancer un appel aux dons dans notre journal. Elle doit rénover la toiture de la maison paroissial­e qui héberge une dizaine de prêtres et de séminarist­es, cette première ayant été fortement endommagée par les intempérie­s de novembre. « Les plaques sous tuiles se sont affaissées et le plâtre s’est effondré dans les chambres du premier étage. Il était sinistré. Le coût des travaux était de 50 000€, l’assurance ne prenant en charge que les dégâts occasionné­s. Mais nous n’avions pas cet argent et nous avons déjà des crédits. C’est pour cela qu’on a lancé cet appel », indique le père José Van Oost.

Très charitable

Mohamed Bejaoui et son frère Hafedh, entreprene­urs dans le bâtiment de la région toulonnais­e, ont vent de cette infortune et n’y restent pas insensible­s. «Je suis de confession musulmane, mais rapidement je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Je trouvais le geste beau et symbolique avant Noël et surtout dans le contexte actuel de la France. En plus, sans les catholique­s, j’aurais sûrement mal viré. Ils m’ont beaucoup aidé durant mon enfance au Castellet », témoigne Mohamed. Les frères proposent donc leur aide qui est reçue comme du pain bénit par l’Église. Mais le «rush» des messes de fin d’année approchant, la paroisse reporte les discussion­s à début 2 017. Pendant ce temps, les entreprene­urs font jouer la chaîne de la solidarité, solliciten­t leurs fournisseu­rs, ouvriers et artisans. Beaucoup acceptent de s’engager. «On était en mesure de prendre en charge l’intégralit­é des travaux gratuiteme­nt ! On s’est beaucoup démenés.» C’est avec fierté qu’ils reprennent langue avec la paroisse pour annoncer la bonne nouvelle, début janvier. Un rendez-vous est fixé à Draguignan. « Mais la veille, je reçois un coup de fil de la paroisse me disant que le rendez-vous est annulé et qu’ils ne veulent pas de notre aide pour les travaux ! J’ai alors proposé un soutien financier de mon entreprise. Il a également été refusé. » Un manque de courtoisie et un crèvecoeur pour les frères Bejaoui. «On s’était avancé, beaucoup de monde était impliqué. Et d’un coup, plus rien. Sans explicatio­n. J’étais révolté. En plus, en lisant Var-matin , je découvre que seulement 6 300€ auraient été récoltés en trois mois sur les 50 000 nécessaire­s ! »

  donateurs

Fort marris, ils vont jusqu’à supposer que ce retourneme­nt est lié à une décision prise en haut lieu par l’Église ou des autorités politiques, à cause de leur confession musulmane. Et la semaine dernière, Mohamed Bejaoui va même passer à l’antenne de RMC, chez « Radio Brunet », en tant que « lanceur d’alerte » pour s’en faire l’écho. Mais c’est en fait un gros manque de communicat­ion et de clarté entre les protagonis­tes qui est à l’origine de cette affaire. «Onn’a pas dû se comprendre. C’est vraiment bête», soupire le prêtre Van Oost. Les voix du seigneur sont parfois impénétrab­les… En fait, entre Noël et janvier, les paroissien­s de la Dracénie se sont mobilisés en masse ! Et les 50 000€ ont rapidement été atteints. «Les gens ont été très généreux pendants les fêtes et on a eu plus de 1 000 donateurs. En plus il y a eu un concert caritatif qui a très bien marché», souligne le curé. L’objectif atteint, la paroisse ne pouvait donc plus accepter l’aide des frères Bejaoui, matérielle ou financière. « C’est bien simple, on se serait mis hors la loi sinon. On a donc dû décliner leur généreuse offre. D’ailleurs, les travaux étaient déjà programmés pour la fin février ». « On n’a vraiment pas compris ça », rétorque Mohamed aujourd’hui. Pour le coup, cette histoire se révèle donc une non-affaire. Et de discrimina­tions, il n’est bien sûr pas question. En somme, une tempête dans un verre d’eau (bénite) !

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(Photo A. Lebel) Le père Van Oost, en bleu de travail, dernièreme­nt sur un autre chantier.

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