Jeux clandestins : 13 patrons de bar sur le grill
Dix-sept personnes sont jugées devant le tribunal correctionnel de Toulon pour l’exploitation de jeux clandestins dans des bars du Var et des Bouches-du-Rhône
Il a fallu faire de la place dans cette salle du palais de justice de Toulon. Un nombre inhabituel de prévenus comparait, depuis hier, devant le tribunal correctionnel dans une affaire de machines à sous illégales, placées dans des bars du Var et des Bouchesdu-Rhône. Sur les dix-sept prévenus – essentiellement des gérants d’établissement –, treize ont fait le déplacement. Les réquisitions du procureur, suivies des plaidoiries de la défense, sont attendues aujourd’hui.
Comment a démarré l’affaire ?
Tout a commencé, en 2011, avec la découverte de machines à sous dans un bar de Saint-Cyr-sur-Mer, où les gendarmes se rendaient pour un cambriolage. L’enquête, confiée à la brigade de recherches de Toulon, s’est peu à peu élargie à d’autres établissements dans la commune, et au-delà: Le Beausset, La Cadière, Signes, Pignans, Fréjus, Cuges-les-Pins, La Ciotat, La Penne-sur-Huveaune et Istres. Un coup de filet était lancé en juin 2012, après la mise en oeuvre de plusieurs surveillances physiques et téléphoniques.
Quel genre de machines àsous?
Treize machines ont été saisies. Il s’agit grosso modo de flippers sans boutons latéraux : le joueur insère une pièce de deux euros et actionne le ressort qui permet de lancer la bille. En fonction de l’alvéole où la bille s’arrête, l’utilisateur peut remporter une nouvelle partie, voire quelques dizaines d’euros. Une expertise judiciaire a conclu qu’il s’agissait d’un véritable « jeu de hasard » – donc strictement réglementé. Des avocats de la défense contestent cette conclusion: le joueur, en secouant légèrement le flipper (sans le faire « tilter »), pourrait forcer le destin. Il s’agirait alors « d’un jeu d’adresse » – donc non soumis à la législation.
Quel est le profil des patrons de bar ?
Douze gérants ou employés de bar (au moment des faits) sont jugés à Toulon. Ils ne renvoient pas l’image de grands voyous, mais plutôt celle de petits profiteurs. « Je savais que c’était interdit mais je pensais que c’était toléré, un peu comme pour ceux qui font de l’alcool chez eux », explique l’un d’eux. Une autre reconnaît que les gains lui ont donné « un coup de pouce » (lire par ailleurs). Cette Varoise, désormais allocataire du RSA, est la seule à reconnaître les faits, quand les autres ont tendance à minimiser.
Qui sont les autres bénéficiaires présumés ?
Un professionnel du jeu, au casier judiciaire sans tâche, est soupçonné d’avoir placé pas mal de bingos dans cette affaire. Ce Bandolais, accablé par les témoignages de coprévenus, se serait chargé de relever les compteurs d’une dizaine de machines, tous les quinze jours, avec l’assistance d’un proche. Cet ami, déjà condamné en 2002 pour exploitation de jeux prohibés, nie en bloc : « Je n’ai vraiment pas de chance, je ne devrais pas être ici.» Deux autres personnes sont poursuivies pour la mise à disposition et l’exploitation d’une machine à Fréjus. Un Niçois, ex-professionnel du secteur, déjà condamné à deux reprises (1997 et 2004) pour des faits du même type, jure avoir raccroché il y a des années. « Je travaille dans le BTP. » L’autre se trouverait actuellement en Nouvelle-Calédonie, selon l’avocat qui le représente à la barre du tribunal de Toulon. Il apparaît dans des écoutes téléphoniques comme un bénéficiaire du bingo fréjussien, jugé « pas assez rentable ». Ce quinquagénaire est celui dont le passé judiciaire est le plus lourd, pour avoir écopé de 7 ans de prison, dans les années 90, pour « introduction de fausse monnaie »et « association de malfaiteurs ».