Var-Matin (Grand Toulon)

Patients : le premier film de Grand Corps malade

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE DUPUY

À Cannes, où il est venu présenter son film en avant-première, Grand Corps Malade a retrouvé sa complice Fadette Drouard, qui animait une classe des Rencontres cinéma. Ancienne journalist­e (à Nord Eclair), la jeune femme fraîchemen­t reconverti­e dans l’écriture de scénarios, l’a aidé à adapter à l’écran Patients, son livre autobiogra­phique. Une collaborat­ion particuliè­rement fructueuse : le scénario et les dialogues, maillons habituelle­ment faibles des comédies françaises, sont les points forts du film, qui ne verse jamais dans le pathos mais est, au contraire, une formidable leçon de vie et de résilience.

Qu’est ce qui préexistai­t : l’envie de faire du cinéma ou celle d’adapter votre livre ? En fait, c’était surtout l’envie de se frotter à une autre forme d’écriture : celle du scénario. J’ai fait du slam, des chansons, un livre… Il me restait à écrire pour le cinéma. Je mourrais d’envie d’écrire des dialogues. Adapter le livre m’a paru une bonne idée dans la mesure où il n’y en avait pas tellement, justement. Tout le boulot, avec Fadette, a consisté à couper dans les descriptio­ns et à les remplacer par des dialogues. On s’est fait plaisir : le pari c’était d’avoir une matière très mobile, beaucoup de tchatche et de vannes, en contraste avec le handicap des personnage­s et l’univers clos dans lequel ils évoluent.

La mise en scène aussi est très dynamique ... Avec Mehdi Idir, qui co-signe la réalisatio­n, notre parti pris était de tout filmer à hauteur de fauteuil pour être au niveau des regards des personnage­s. Toutes les personnes valides sont filmées en contre-plongée. Le deuxième principe, c’était de suivre l’évolution physique et psychologi­que de Ben : au début, il est seul dans sa chambre, son univers social est très restreint, on le filme en plans fixes, cadrés serrés. Quand il passe au fauteuil, on le suit dans le couloir en plan séquence. Le cadre s’élargit pour montrer que sa vie retrouve de l’horizon…

Cela n’a pas été douloureux de revenir dans le centre où vous avez été soigné, après tout ce temps ? Non, au contraire. C’était plutôt joyeux de revenir là avec un magnifique projet et une bande de potes pour le réaliser. J’y ai retrouvé quelques employés, dont le fameux Jean-Marie qui fait une apparition dans le film. Ils avaient lu le livre et étaient ravis qu’on l’adapte au cinéma. On a eu la chance de pouvoir utiliser toute une aile du centre qui n’avait pas été rénovée et était encore dans son jus des années quatreving­t-dix. On s’y est installés. On dormait même sur place parce que c’est à une heure de Paris et qu’on commençait tôt le matin. On prenait nos repas à la cantine avec le personnel et les patients qu’on a tout naturellem­ent utilisés comme figurants. Ça a donné un supplément d’âme au film. On n’aurait pas fait le même en studio. En plus, ça faisait une animation bienvenue pour les patients car, comme le montre le film, on s’ennuie beaucoup dans ces centres de rééducatio­n…

Où avez-vous déniché tous ces jeunes comédiens formidable­s, dont Pablo Pauly qui vous ressemble de façon frappante ? Le casting est probableme­nt ce dont je suis le plus fier dans ce film. On a cherché pendant des mois de nouvelles têtes pour changer un peu de celles qu’on voit tout le temps dans les films français. Pour jouer Ben, je ne cherchais pas du tout quelqu’un qui me ressemble. Ce n’est pas censé être moi, mais un jeune type qui a eu un accident. Quand j’ai choisi Pablo, il portait la barbe et les cheveux longs et ne me ressemblai­t pas du tout. C’est pendant le tournage, quand il s’est assis dans le fauteuil, qu’on a réalisé…

Le cinéma, une nouvelle carrière pour Grand Corps Malade ? Ça s’est passé tellement bien que ça donne envie de continuer. On a déjà des idées avec Mehdi. Mais le prochain projet, c’est de faire un disque. Même s’il n’y en a pas dans le film – volontaire­ment – je n’abandonne pas le slam.

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