Hamon fait un voeu
Ce qu’il y a de bien, quand vous êtes à ou % dans les sondages, c’est qu’on vous passe beaucoup de choses. L’autre matin, sur France Inter, Benoît Hamon, candidat PSEELV, parlait économie. Economie sans « s ». Prenant le contrepied de l’objectif affiché par François Hollande – et qui reste d’ailleurs… un objectif –, Hamon promettait d’en finir avec la règle européenne des %. Non à l’« austérité ». Priorité à la relance et à la défense des services publics. Et tant pis – tant mieux ? – si cela passe par l’embauche de fonctionnaires et l’augmentation des dépenses publiques. Jusque-là, rien de neuf : on était dans le droit fil de la critique que les frondeurs ont développé crescendo tout au long du quinquennat. Jusqu’à ce que, les interviewers s’inquiétant d’un creusement de la dette (laquelle, pour mémoire, tangente déjà les % du PIB), Hamon assène, sur le ton de l’évidence : « Il y a une dette vis-à-vis de la planète que nous ne pourrons pas rembourser, et il y a une dette vis-à-vis des banquiers, que nous pouvons parfaitement renégocier. » Tel quel. Ainsi, un candidat à la présidence de la République, issu du parti au pouvoir, annonçait tranquillement, à l’heure des croissants, que la France pourrait faire défaut sur sa dette. Le propos aurait pu provoquer un séisme sur les places financières, une envolée des taux d’intérêt, une dégradation de la note de la France… Rien de tel. Il faut croire que les marchés ont plus de flegme qu’on ne croit. L’affaire ne fit que des friselis à la surface de la campagne (on était en pleine affaire Fillon : la France avait la tête ailleurs). Seulement quelques commentaires de spécialistes, suggérant avec un peu d’ironie qu’il ne fallait pas prendre les propos du candidat trop au sérieux. Renseignement pris, le QG de Hamon expliqua qu’on avait mal compris. Derrière l’étrange sentence de Benoît Hamon, il y a un vaste projet européen, autrement ambitieux : le système conçu par l’économiste Thomas Piketty visant à mutualiser les dettes des pays de la zone euro et harmoniser les fiscalités nationales, sous le contrôle d’une assemblée parlementaire ad hoc. C’est ce projet – déjà avancé timidement et sans grand écho, il y a peu, par un François Hollande en fin de mandat - que Hamon reprend et détaille dans Le Monde de ce jour. L’idée mérite d’être creusée. Elle procède d’un constat : la monnaie commune risque de craquer du fait des disparités entre Etats membres. Et d’une vérité forte : le consentement à l’impôt – via l’élection - est au fondement de la démocratie. Mais il y a loin d’ici à ce qu’elle soit acceptée par les pays concernés. Après l’échec de Maastricht, personne n’a très envie de se lancer dans un nouveau chantier institutionnel. Surtout s’il s’agit, comme ici, d’aller vers plus de fédéralisme, ou de supranationalisme. On ne peut pas dire que ce soit dans l’air du temps… Quant à convaincre l’Allemagne, sans qui rien n’est possible, c’est une gageure. Je peux en témoigner pour avoir animé un débat entre Piketty et Martin Schultz, débat justement consacré au projet Piketty, auquel le dirigeant socialiste allemand n’accorda guère de crédit. Qu’il soit aujourd’hui en situation de gagner les élections et de succéder à Merkel n’est sûrement pas de nature à le faire changer d’avis. « Mettre l’austérité en minorité en Europe », comme dit Hamon, ce sont des mots. Disons le tout net, au moment où tant de candidats à la présidentielle sont saisis d’ébriété dépensière : l’idée que la France, avec la bénédiction de l’Allemagne, pourrait se dispenser de rétablir ses finances publiques, ou mieux encore, qu’on pourrait aller vers une mutualisation des dettes consistant, en pratique, à mettre en commun les déficits français et les excédents allemands, cela relève du voeu pieux.
« Quant à convaincre l’Allemagne, sans qui rien n’est possible, c’est une gageure. »