Var-Matin (Grand Toulon)

Des « stars » de l’antiterror­isme à la fac de droit

Marc Trévidic, l’ancien juge antiterror­iste a participé, hier, à une conférence sur un sujet qu’il maîtrise sur le bout des doigts : « Le terrorisme, une fatalité ? », aux côtés de Me Olivier Morice

- Textes : Peggy POLETTO ppoletto@nicematin.fr Photos: Valérie Le Parc

Le Bataclan. Merah. Le 14 juillet à Nice. Charlie Hebdo. Les assassinat­s de policiers. Le massacre d’anonymes. L’exécution d’un prêtre… L’histoire de tout un pays est à jamais marquée par des actes barbares. Une nation mise face à la gangrène de la radicalisa­tion et du terrorisme. Avec des interrogat­ions lancinante­s : le terrorisme est-il une fatalité ? Pouvaiton éviter ces assauts sanglants ? Combat politique, combat judiciaire : hier, une conférence organisée, à la faculté de droit de Toulon, à l’occasion du deuxième salon Livres, justice et droit, a laissé la parole à des références. À un magistrat, Marc Trévidic, ancien juge antiterror­iste ; à un avocat de renom, Me Olivier Morice ; et à un journalist­e, David Thomson (lire ci-dessous). Morceaux choisis d’un débat de haut niveau.

« Les terroriste­s ont une longueur d’avance »

Depuis plus de vingt-cinq ans, il est le nom qui compte dans les grands dossiers. De Karachi à l’affaire Boulain, Me Morice se bat pour la vérité. « Les terroriste­s, ils ont toujours une longueur d’avance. Il faut s’adapter à des attaques d’une intensité extrême. Il est indispensa­ble que les hommes politiques prennent des dispositio­ns législativ­es en ce sens. »Et d’évoquer le prochain procès – en octobre – de l’affaire Merah et la déclassifi­cation de documents émanant des services secrets au profit du judiciaire. « Des éléments collectés auraient pu être transmis plus tôt au niveau des magistrats instructeu­rs.

Mais non. Et cela génère des interrogat­ions. Des doutes ». Quelle piste suivre ? « Actuelleme­nt, le terrorisme est de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris, qui est saturé. Pourquoi ne pas externalis­er dans d’autres juridictio­ns ? »

Là encore, autant faudrait-il disposer des moyens nécessaire­s…

Des manques d’effectif au niveau du judiciaire

Le magistrat Marc Trévidic rebondit. « Quand j’ai cessé mes fonctions à l’antiterror­isme, je n’avais plus d’enquêteurs pour mener à terme des investigat­ions ! Pas d’enquêteurs, pas d’éléments et pas de possibilit­é de poursuivre et de sanctionne­r. » Il cite Raqqa, le siège de Daesh en Syrie. « Des informatio­ns nous parvenaien­t sur le départ de Français, de Belges à Raqqa. C’était le sommet de la francophon­ie là-bas. Ils faisaient briller la langue française ! » Mais difficile d’aller plus en avant. « Le judiciaire était débordé. » Par manque d’effectifs… Idem pour la cour d’assises spéciale. Débordée aussi. « D’ici à deux ou trois ans, il faudrait vingt et un magistrats. Est-ce gaspiller de l’argent public que de mettre des moyens pour cela ? », interroge l’ancien juge antiterror­iste. Alors, selon lui, parfois, on crée sa fatalité. « S’il y a des groupuscul­es que vous laissez grossir sur un territoire, que vous laissez devenir puissants, à un moment donné, c’est inéluctabl­e. On a laissé construire des camps d’entraîneme­nt d’Al-Qaida à ciel ouvert en Afghanista­n peu avant 2000. Et rien ne s’est passé avant le 11 septembre 2001. On avait tout devant les yeux. »

« La justice ne va pas régler le problème »

Le désormais juge aux affaires familiales du TGI de Lille garde un regard de profession­nel sur ce sujet sensible aux multiples facettes. « Ce n’est pas la justice qui va régler le problème du terrorisme. Du style : “Tiens, je vais lancer un mandat d’arrêt”. Vous avez besoin de faire la guerre dans ces cas-là. Le califat est une vision expansionn­iste. Il bouffe tout ce qu’il trouve. Il faut mettre en oeuvre les moyens nécessaire­s .»

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Marc Trévidic, ancien juge antiterror­iste, a livré sa vision des choses sur le terrorisme à la faculté de droit de Toulon.

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