Var-Matin (Grand Toulon)

Petites confidence­s du «nul»

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Je l’avoue, j’ai pleuré pas mal... ”

Je sais que je peux me relever ”

Sébastien Destremau a fermé le bureau des océans. Rendu les clés du vent. Posé, enfin, le pied à terre. Ferme. Et droit. Sans renier ses quatre mois de mer. Sa peau de marin. Tannée... Non sans avoir pleuré. À chaudes larmes. Des embruns irisant ses joues creusées au moment d’embrasser le chenal... De l’embraser. Sa carcasse offerte en douce pâture au public. À ces gens de mer respectueu­x. Ébahis par sa trajectoir­e. Attendris, aussi, par ce sacré bonhomme... Des colonies de manchots s’étaient donc massées sur les quais. Pour une révérence à leur petit empereur. Bras levés à la proue de son fidèle Imoca. Sa bicyclette sans dérailleur comme il dit... Drôle de monture pour ce Toulonnais à l’Everest vaincue. Domptée non sans mal. Mât brisé, côtes cassées, moteur en vrac, le Destremau en a essuyé des pépins. Mais il a su s’évader de cet Alcatraz, à la force d’un mental inouï. D’ailleurs, quand le vent soufflera, il repartira. Et quand les vents souffleron­t, nous nous en allerons. La brise se lève. L’occasion rêvée de se laisser embarquer à son bord.

Avez-vous le sentiment d’être un miraculé ? Quand même pas. Mais c’est malgré tout un petit miracle d’avoir terminé. En même temps, j’ai juste emmené mon bateau d’un point A à un autre point B. En fait, ça doit être plus compliqué de le gagner, ce Vendée. Votre dernière nuit à bord ? Elle s’est super bien passée. Je n’ai juste pas dormi une seconde et je n’avais déjà pas dormi la nuit précédente. J’ai comme un petit déficit de sommeil... Votre arrivée a traîné en longueur, ce fut dur à gérer ? Pas vraiment. Couper la ligne de nuit, beautéc’est magique,au truc. ça Et rajouteça m’a permisde la d’avoir un break avant la remontée du chenal. Mais je me serais bien passé, si près des Sables, de me prendreUn filet ? un filet. Oui. Je marchais super bien et d’un coup, le bateau a ralenti. J’entendais du bruit contre la coque. C’était un filet de pêche. Coup de chance, après quelquess’est détaché. manoeuvres, il Et ce fut la délivrance... Sauf que tu coupes la ligne et tu es happé par ton équipe et les médias qui montent à bord. Tu n’as pas le temps de te laisser happer par les émotions. Pas une larme ? Allez, je l’avoue : j’ai pleuré pas mal. Mais ça ne se voit pas la nuit... En revanche, de jour dans le chenal, c’est visible... Imaginez que tous ces gens étaient là pour moi. C’est pas mal, ça calme.

J’avais bien envie de faire le con, mais non. J’ai savouré. Savouré cette e place... Le nul, vous voulez dire (rires). Cette e place, elle peut se transforme­r en victoire. Elle a du sens ! Pourtant, certains skippers ont été très critiques à votre égard... Ces messieurs ont tenu des propos déplacés. Ils auraient dû se retirer avec grâce bien avant. J’ai un avis sur eux, sur leurs propos, mais ne me le demandezVo­uscas été avez fidèleen pas... toutà l’esprit du Vendée Globe... C’est une course, mais pas que. La bataille entre Armel et Alex (Le Cléac’h et Thompson, Ndlr) aété fabuleuse. Mais si le Vendée ce n’était que ça, ça se saurait. Et je vais plus loin : ce serait sa fin ! Alors qu’avec vous, le public a été servi. Surtout que vous êtes parti sans rien! Pas de musique, pas de clopes, pas d’alcool, pas de bouquin et pas de femmes ! Je ne voulais pas être pollué par des trucs de terrien et je suis vachement content de l’avoir bouclé comme ça. Et puis, avec rien, tu es comme un enfant qui s’ennuie : il crée. Alors tu chantes, tu écris, tu inventes des vidéos, tu t’amuses, tu pleures... Et parfois, tu as peur... Je ne parlerais pas de peur. Mais c’est vrai que dans l’océan Indien, j’en ai bavé. Le bateau s’est presque retourné. Je me suis cassé des côtes et j’en passe. C’est un océan de m...

Ou peut-être que je ne sais pas y naviguer. C’est passé. Désormais, c’est le monde des terriens... On verra pour la réadaptati­on. Quatre mois sans portable, c’est pas mal. C’est même un bonheur. Je sais juste que Trump a été élu et que Fillon a des emmerdes. Demain ? On continue avec TechnoFirs­t faceOcean. C’est sûr. Avec l’objectif de gagner le Vendée Globe en . Il y a un projet. Je ne serai peut-être pas le skipper en revanche. Et  ? Je pense qu’il faudra faire cette édition. Avant, il y a la Jacques-Vabre aussi. Mais, là encore, ce ne sera pas forcément moi à la barre. Tout est possible. J’ai plein d’idées. Toujours en Imoca ? Peut-être pas. Un truc en Ultime me tente. J’aimerais bien aussi, pour , aider l’équipe de communicat­ion du Vendée ou une chaîne de télé à aller chercher les bonnes infos auprès des skippers. Pas celles qui concernent la course, les milles gagnés, mais celles propres aux humains. Moi, personne dans l’organisati­on ne m’a demandé combien de fois j’avais pleuré. Elle vous a changé, cette odyssée autour du monde ? J’ai découvert des ressources en moi que je n’imaginais pas. Je sais aujourd’hui que je peux me relever. Et enfin, c’est étrange, mais je n’ai pas l’impression de l’avoir fait. C’est comme si c’était un autre qui était sur le bateau. Qui a su bricoler, naviguer, étudier la météo. C’est un drôle de sentiment. Très fort.

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Avec sa clé magique, Seb a fermé la dernière porte des océans. Mais il a laissé une fenêtre ouverte...

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