Enfance protégée : Pierre Marie, l’âme de bâtisseur
Ce bénévole engagé préside aujourd’hui sa vingt-cinquième et dernière assemblée générale de l’Association départementale d’entraide des personnes accueillies à la protection de l’enfance
Pierre Marie s’apprête à tourner la page d’un livre ouvert il y a vingtcinq ans. Ce pupille de l’État, qui préside aux destinées de l’Association départementale d’entraide des personnes accueillies à la protection de l’enfance du Var (Adepape du Var) va remettre officiellement, le 20 mars, les clefs de la Maison départementale à Marceau Dell’Unto, son fidèle trésorier. Il entend toutefois poursuivre l’aventure associative en lien avec les élus et le tissu économique. Celle qui fut « riche et humaine », au coeur de la maison de l’entraide et du partage qu’il habite, depuis 1982, avec une équipe dévouée. «Celle où il y a de la vie, de la chaleur. Celle où on parle, on rit, on pleure et où on confie ses joies, mais aussi ses peines, ses angoisses, ses manques. Une enfance volée, ratée, brisée, ses cauchemars… », dit-il. Des mots qui font écho dans le coeur de Pierre Marie. Lui, le bébé de quinze jours confié par sa maman à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) pour être adopté. Finalement, il ne le sera jamais. Il sera placé dans plusieurs familles d’accueil, cinq jusqu’à ses cinq ans. « Je suis né à Hyères, dit-il avec fierté. Mais je n’y ai jamais habité. J’ai dû faire une dizaine de villages et de villes dans mes différents placements.» C’est en 1966 qu’il pose ses bagages à Toulon pour ne plus jamais quitter la capitale du Var. Son engagement associatif, dès l’âge de 16 ans, est né de deux rencontres. « Celle avec les diacres, Gilles Rebèche et Jean-Jacques Soihier pour l’action catholique. J’étais en difficulté en famille d’accueil. J’avais 14 ans. Ils sont venus vers moi…» La vie associative lui a «beaucoup apporté », donnant notamment de l’assurance à ce « timide » jeune homme. Quarantecinq ans plus tard, Pierre Marie reste animé par cet esprit associatif. Son investissement au sein de l’Adepape est le fruit d’une rencontre. Celle avec Pierre Ferrari, son inspecteur référent coordinateur
Nous ne voulions pas être une pâle copie de l’Aide solciale à l’enfance”
de l’Aide sociale à l’enfance, connu à l’âge de 14 ans. L’idée de créer une association par et pour les anciens de l’ASE naît dans les années 1990. « L’Adepape existait depuis 1949, mais elle était dirigée soit par des hauts fonctionnaires de l’ASE, soit par des élus. Il n’y avait pas d’associatif. Après m’être engagé dans l’action catholique, puis, pendant onze années, au service de clubs de football, il fallait que je le fasse pour les anciens de l’Aide sociale à l’enfance », raconte-il. Siégeant au conseil de famille des pupilles de l’État de l’ancienne Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, ce bénévole, alors âgé de 33 ans, est repéré en 1989, par le délégué régional de la Fédération nationale des Adepape. Il s’engage à apporter dans cette chaîne associative le maillon manquant dans le Var, et ce malgré certaines résistances. « Nous étions encore à l’époque des non-dit. Tout était caché. Il y avait un peu le culte du secret, explique-t-il. Or, moi, je voulais apporter tout ce qui se faisait partout en France: une association gérée par et pour les anciens de l’Aide sociale à l’enfance, autonome et subventionnée à hauteur de ses missions. Cela a été le plus difficile à faire admettre aux fonctionnaires et aux élus. Il fallait sortir d’un simple service qui aidait ponctuellement certaines personnes, devenir une association d’entraide qui joue pleinement son rôle dans l’insertion sociale et professionnelle des personnes admises ou l’ayant été au sein de l’ASE. Nous ne voulions pas être une pâle copie du service de l’ASE.» Mission accomplie. L’association deviendra autonome, et Pierre Marie en tiendra les rênes avec le soutien de son équipe. Cet ancien surveillant de nuit, durant vingt ans, au sein de l’Institution Barthelon – foyer pour jeunes mineurs – s’investira, le jour, dans l’insertion sociale, morale, professionnelle et culturelle des jeunes, des familles, des seniors ayant été admis dans les services de l’ASE. L’association qui intervient dès la majorité travaille en étroite collaboration avec le Département dans la poursuite des études jusqu’à 25 ans. OEuvrer pour « le mieux-être des adhérents » – notamment ceux souffrant de handicap –, privilégier l’intergénérationnel, développer le partenariat «actif et diversifié» avec, par exemple, les maisons à caractère social ont été le moteur de Pierre Marie jusqu’ici. Un parcours de vie riche aussi en rencontres comme celles avec Boris Cyrulnik, Soeur Emmanuelle, l’Abbé Pierre ou encore Simone Veil, l’ancienne ministre de la Santé. Il travaille désormais à l’accueil de l’ASE et n’a jamais rompu le lien avec les foyers. « Sans pour autant s’enfermer dans le passé. » Même si il arrive qu’il resurgisse. Parfois sous forme de moment douloureux comme ce jour où « une assistante sociale est venue m’arracher à l’assistante familiale que je considérais comme ma mère. Je revois encore cette scène terrible. » Quand il la retrouvera vingt-deux ans plus tard, elle n’aura pas oublié le petit Pierre, qu’elle considérait comme « son fils ». Les années, depuis, ont passé. Et «les droits de l’enfant, ceux de la famille ont heureusement évolué de façon positive, comme le fait d’éviter de séparer les fratries », confie-t-il. En 2013, alors qu’il recevait la médaille de l’Ordre national du mérite, l’émotion était palpable. « C’est la seule fois où j’essayais de me représenter le visage de ma mère : estce qu’elle aurait été fière de moi ? »
C’était à l’époque des non-dits ” La seule fois où j’ai essayé de me représenter ma mère ”
Savoir + L’Adepape tiendra son assemblée générale aujourd’hui, à 9 h 45, à l’espace Mauric à La Crau.