Var-Matin (Grand Toulon)

 : la Corniche d’or entre Fréjus et Cannes voit le jour

- ANDRÉ PEYREGNE

Entre 1901 et 1903, l’une des plus belles routes côtières de notre région est construite à l’initiative du Touring Club de France entre Fréjus et Cannes : la Corniche d’or. L’événement est considérab­le. Jusqu’alors, depuis l’époque romaine, pour aller de Fréjus à Cannes, on traversait le massif de l’Estérel. Le magazine L’llustratio­n à Paris, envoie sur place l’un de ses journalist­es, Joseph Gubert, qui va effectuer à pied, sac à dos, le trajet de la future route et publier un article le 2 mars 1901. « La nouvelle Corniche, devinée par les Romains, qui avaient emprunté pour leur voie Aurélienne une partie du rivage entre Théoule et Aurelle, rêvée de nos jours par le Touring Club de France, et construite à miracle par les ingénieurs du Var et des Alpes-Maritimes, sera bien la Corniche d’or, à peine née et déjà si heureuseme­nt baptisée par un de nos confrères. On ne pouvait trouver appellatio­n plus séduisante et plus vraie pour cette route qui fera communique­r les deux villes en fleurs de Cannes et de Saint-Raphaël. » Pour réaliser les travaux, le Touring Club de France a lancé une souscripti­on et récolté 100 000 francs sur les 500 000 francs nécessaire­s. Le complément est apporté par l’État, les deux départemen­ts et les communes concernées. Et voilà notre reporter qui se lance sur le trajet. « La route quitte SaintRapha­ël et s’enfonce dans les pinèdes de Boulouris. De belles villas, souvent décorées à la mode italienne la jalonnent. Des jardins, sous ce climat d’éternel printemps, mêlent leurs fleurs de serres aux bruyères et aux cycles. Parfois, des gerbes de roses et de géraniums, aux pétales roses comme les lèvres, crèvent les haies des clôtures et vous saluent d’un sourire parfumé.

 ouvriers taillent les pierres sous des toiles

Après Aigue-Bonne, c’est le Dramont et son immense carrière de porphyre où 700 ouvriers arrachent à la montagne les pavés carrés de nos rues et de nos boulevards. À côté des grandes machines à cheminée et à fumée sur lesquelles maudissait si justement Ruskin, des tailleurs de pierres, comme au bon vieux temps, ont installé partout de petites toiles semblables aux voiles des bateaux, pour travailler à l’abri du soleil. Et c’est d’un effet charmant, cette flottille sur terre ferme que Jean Aicard, dans L’Ibis bleu a si joliment décrite et qui semble n’avoir pas quitté la mer, tant la pierre du Dramont est d’un bleu d’Azur. À droite, l’Île d’or, que le gouverneme­nt a vendue pour quelques sous, et l’élégante silhouette d’un sémaphore. Puis, on arrive à Agay où aimait à rêvasser Maupassant et que Maurice Donney est en train de mettre à la mode. Un hôtel permet d’y séjourner et d’aller excursionn­er dans l’Estérel, dans la petite vallée plantée de lauriers roses, comme un ravin de Grèce ou d’Algérie. » Et voici Anthéor, où la ligne de chemin de fer s’arrête dans une petite gare. À l’époque, on écrivait « Antéore ». Va donc pour « Antéore » ! D’Antéore, on a la première vue sur le Cap Roux et le massif de la SainteBaum­e. Ce sont les plus beaux rochers de la route. « Ces cimes de granit ressemblen­t à des châteaux, a dit Maupassant, à des villes, à des armées de pierres courant l’une après l’autre. Et la longue côte rouge tombe dans l’eau bleue qu’elle fait paraître violette. » « Tout ce pays est d’une belle sauvagerie que trouent par instants les sifflets stridents des locomotive­s, au passage d’un beau viaduc de neuf arches, et avant de pénétrer dans ce cahot de pierres, dans ce monde de tunnels, de tranchées qu’est la traversée de l’Estérel. Les calanques succèdent aux calanques dans un fouillis merveilleu­sement découpé, déchiqueté, qui s’étendra jusqu’au Trayas... La descente sur Théoule vous invite à quelque prudence. C’est la seule inclinaiso­n de cette admirable corniche. Après la rapide traversée d’un bois touffu où toutes les essences et toute la flore de l’Estérel semblent s’être données rendez-vous, on arrive à Théoule. La corniche retrouve à la Napoule la grande route nationale, sa soeur aînée. C’est maintenant la vie banale, le bruit, le monde, le sentier battu. Le rêve est fini… avec la Corniche d’or.» La Corniche d’or sera intégrée en 1904 à la Nationale 7 à la place de la route de l’Estérel. Mais en 1937, la circulatio­n étant devenue trop importante, la route de l’Estérel redevient Nationale 7 et la route de la Corniche se transforme en nationale 98. En 2006, la route sera déclassée en départemen­tale 98 dans le Var et D 6098 dans les Alpes-Maritimes. Dans les yeux des touristes, elle demeure la Corniche d’or.

 ?? (© L’Illustrati­on) ?? 6 La rade d’Agay avec son viaduc pour le chemin de fer (dans le fond).
5 Le château de la Napoule sans aucune constructi­on autour en .
3 Le Rocher de l’Aiguille à Théoule avant la circulatio­n automobile.
(© L’Illustrati­on) 6 La rade d’Agay avec son viaduc pour le chemin de fer (dans le fond). 5 Le château de la Napoule sans aucune constructi­on autour en . 3 Le Rocher de l’Aiguille à Théoule avant la circulatio­n automobile.
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