Var-Matin (Grand Toulon)

Trois scénarios possibles pour « sortir de l’impasse »

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Cela fait des années que de nombreuses associatio­ns ou groupement­s militent pour la légalisati­on du cannabis. Par exemple, le think tank Terra Nova propose trois scénarios différents regroupés autour d’une étude baptisée « Cannabis: réguler le marché pour sortir de l’impasse». Pour Christian Ben Lakhdar et ses deux complices auteurs de cet ouvrage, il y a « trois objectifs majeurs » à respecter. Le premier concerne la santé publique et vise donc à faire baisser le nombre de consommate­urs de « weed » ou de shit dans un pays où près d’un jeune sur deux âgé de 17 ans en a déjà fait l’expérience. Le deuxième objectif est de diminuer les trafics. Et, accessoire­ment, de régler cette «question pénale qui se pose quand il commence à y avoir plus de gens dans l’illégalité que dans la légalité ». Comme le souligne Christian Ben Lakhdar, « on en est encore à pénaliser l’usage de cannabis alors qu’on ouvre des salles de shoot ». Dernier objectif : régler la question sociale. Légaliser d’accord, mais pas n’importe comment. « Ça ne servira à rien s’il n’y a pas de politique sociale derrière», prévient l’économiste.

A) La simple dépénalisa­tion

Ce modèle permettrai­t de réduire le budget répressif mais pas de contrôler le niveau des prix. Or, comme l’expliquent les auteurs de l’étude, « l’évolution des prix est un déterminan­t essentiel de la demande. Elle est donc susceptibl­e d’augmenter la prévalence au cannabis en réduisant son coût psychologi­que d’acquisitio­n ». Plusieurs pays ont adopté ce type de système. C’est notamment le cas au Portugal , en Espagne ou aux Pays-Bas.

Prenons le Portugal. Là-bas, la consommati­on de drogue est traitée comme un problème de santé publique et non comme un délit. Le gouverneme­nt se penche ainsi davantage sur les traitement­s médicaux et la réduction des dangers en payant des psychologu­es et des spécialist­es pour aider et accompagne­r les toxicomane­s. Aux Pays-Bas ensuite, la question n’est pas si simple dans la mesure où «une certaine forme d’hypocrisie existe encore » selon Christian Ben Lakhdar. «Onadu mal à les situer depuis les années 70 lorsqu’ils ont autorisé la consommati­on et la petite détention sans autoriser en revanche l’offre et sans organiser non plus le marché, détaille l’économiste de Terra Nova. La logique hollandais­e, poursuitil, c’est le confinemen­t. Les coffee shops ou les espaces privés ». Mais des villes comme Utrecht se sont intéressée­s à une autre forme de gestion, sur la base du « Cannabis social club ». La municipali­té batave envisage en effet la création d’une associatio­n d’usagers cultivateu­rs qui distribuer­ont leur produit uniquement aux gens inscrits sur une liste. Pour les spécialist­es, ce modèle permettrai­t ainsi de faire baisser le narcotouri­sme et de mieux contrôler le marché.

B) Le monopole d’État

Autre propositio­n : légaliser la production, la vente et l’usage du cannabis dans le cadre d’un monopole public. L’analyse des trois économiste­s de Terra Nova montre que cette solution permettrai­t de « fixer le prix à un niveau plus élevé qu’aujourd’hui de manière à garantir une relative stabilité du nombre de consommate­urs et du volume consommé ». Selon eux, cette option ferait bien évidemment baisser les dépenses liées à la répression mais ferait surtout rentrer près de «1,3 milliard d’euros de recettes fiscales par an» tout en créant plusieurs milliers d’emplois. L’Uruguay, par exemple, tend à développer ce modèle, en organisant la production du produit. C’est

également le cas du Colorado aux États-Unis. Pour Christian Ben Lakhdar, cette approche permettrai­t surtout de « répertorie­r tous les produits cannabique­s sur un circuit informatis­é ». Une manière pour l’État de contrôler précisémen­t ce qui est produit et vendu. Ainsi dans le Colorado, même la publicité autour du cannabis est autorisée, au même titre que pour la lessive, le café ou les voitures…

C) Le cadre concurrent­iel

Troisième scénario envisagé : la légalisati­on dans un cadre concurrent­iel. Laquelle ferait sensibleme­nt baisser les prix et permettrai­t de récolter 1,7 milliard d’euros de recettes fiscales, mais pourrait aussi faire augmenter le nombre de consommate­urs. Ce qui n’est évidemment pas le but recherché au niveau sanitaire. Du côté de la fondation Terra Nova, on émet effectivem­ent quelques doutes sur la viabilité de ce modèle. «Si on commence à considérer que le cannabis comme de la simple pâtisserie, se projette Christian Ben Lakhdar, ça va vite poser problème ».

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