Var-Matin (Grand Toulon)

« Insister sur la prévention et réintégrer ceux qui font du trafic »

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Habituée à voir défiler quotidienn­ement des dizaines de consommate­urs aux profils « divers et très variés », l’addictolog­ue toulonnais­e Marie-Hélène Marchioni propose « plus de prévention » en la matière. Telle est, selon, elle, la « meilleure manière » pour faire diminuer un jour le nombre de dealers mais aussi celui des consommate­urs. Comme de nombreux médecins favorables à une révision de la loi sur le cannabis, Marie-Hélène Marchioni dit défendre une approche « pragmatiqu­e » de la chose : « Il faut que ça soit bien fait, dans les règles de l’art, avec un message préventif lisible compris par tous et un bon système curatif. »

« Un exemple de discrimina­tion positive »

Christian Ben Lakhdar insiste lui aussi sur l’importance « d’améliorer la prévention ». « Le problème, illustre-t-il, c’est que personne n’ose en parler ce qui montre bien le malaise. On sait très bien par exemple que le cannabis tue sur les routes de France entre  et  personnes par an. Mais il n’existe peu ou pas de campagne de prévention à ce niveau. Pourtant, les risques mortels au volant sont plus faibles avec le cannabis qu’avec l’alcool ». À travers cet éventuel changement de loi, Christian Ben Lakhdar propose au passage de « réinsérer tous ceux qui prennent part au trafic » en leur trouvant une place « dans le champ d’une économie légale ». Et de prendre en exemple la Californie qui vient de légaliser le cannabis à usage récréatif. « Là-bas, explique l’économiste, ils proposent une amnistie à ceux qui sont derrière les barreaux en leur proposant un emploi dans l’industrie du cannabis ». Il s’agit, pour lui, d’un « exemple de discrimina­tion positive qu’on pourrait étudier ici. On doit penser à l’innovation sociale qui permettrai­t d’accompagne­r les jeunes vers l’éducation ».

« Ils ont même des tour-opérateurs »

Dans le Colorado aux États-Unis, par exemple, on ne sait plus quoi faire des recettes générées par l’industrie de la « beuh », estimées à quelque  millions de dollars, un an après la légalisati­on. « En revanche, tempère Christian Ben Lakhdar, c’est un peu too much dans le sens où ils commercial­isent plein de produits dérivés : boissons, thés, sucettes, produits de beauté… Ils ont même des tour-opérateurs. Le problème, c’est que les accidents de la route ont augmenté parce que les gens prennent le volant complèteme­nt défoncés après avoir mangé des space cakes ». D’où l’intérêt, peut-être, de proposer «uncadreun peu plus strict » ? « Évidemment qu’il faut l’interdire aux mineurs et se doter de tous les outils de prévention qu’on utilise déjà dans la lutte anti-tabac, pense l’économiste de Terra Nova, qui précise n’avoir « aucun intérêt dans l’industrie du cannabis ». Enfin, avant de convaincre les Français, les candidats à la Présidenti­elle favorables à une évolution de la loi sur la consommati­on de cannabis devront peut-être commencer par convaincre les lobbies de l’alcool. « Pas sûr qu’ils en aient envie », glisse Christian Ben Lakhdar. Patrick Mennucci, pour qui « un verre de gnôle, c’est comme une cigarette de cannabis », préfère quant à lui retourner le problème dans l’autre sens : « Imaginez un peu que la gnôle soit interdite en France ? »

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