Japonais à St-Tropez
ans plus tard son descendant revient dans la cité
« Ils se mouchent dans des mouchoirs de papier de soie de la Chine, de la grandeur de la main à peu près, et ne se servent jamais deux fois du même mouchoir, de sorte que toutes les fois qu’ils se mouchent, ils jettent leurs papiers par terre. » Madame de Saint-Tropez, épouse de René de Grasse.
Hasekura Rokuemon n’aurait pu imaginer que trois cent quatre-vingt et une années plus tard l’un de ses propres descendants viendrait à son tour à Saint-Tropez avec, également, le titre d’ambassadeur du Japon. C’est pourtant bien ce qui s’est produit dans le courant du mois d’octobre lorsque son excellence Koïchino Matsuura, ambassadeur du Japon en France, revient en visite privée sur les traces de son ancêtre, accompagné du consul général du Japon à Marseille, Yasuo Takano. Il a pu visiter la maison du rue Sanmartin, où fut hébergée la première délégation Japonaise avant d’être accueilli avec tous les honneurs dus à son rang, par le maire Jean-Michel Couve. La médaille de la ville lui a été remise. Ensuite, la délégation a pu admirer l’immense toile du peintre Dany Lartigue représentant Hasekura et son escorte reçus par les édiles tropéziens de l’époque. L’ambassadeur, a confié qu’il venait de réaliser son rêve. Le 9 octobre, le temps étant redevenu clément, les frégates levèrent l’ancre pour rejoindre Rome. Après avoir été reçus par le Doge de Gêne en audience solennelle, ils firent le 29 octobre leur entrée dans Rome, la ville éternelle et enfin le 3 novembre, Hasekura Rokuemon pouvait s’agenouiller devant le pape Paul V, après deux ans d’un difficile et périlleux voyage.
Condamné à mort
Le Daimyo pouvait être fier de son samouraï. Malheureusement, et peut-être heureusement, le voyageur ignorait tout des changements qui s’étaient entretemps opérés dans son pays. Les pouvoirs, une fois encore, avaient changé de main et son maître avait perdu la partie, obligé de participer aux massacres lancés contre les chrétiens. La mission était totalement avortée au moment même où elle s’accomplissait. Ce n’est qu’en 1620 que Hasekura eut la joie de retrouver son pays et sa famille. Il revenait avec seulement une trentaine de compagnons, plus de cent ayant péri au cours de ce long périple. De ces sept années de danger et de patience, il n’en récolta aucune gloire ni aucun honneur. Tout au contraire. Ses dernières années sont sujettes à controverses. Se refusant à abjurer sa foi chrétienne et condamné à mort, il aurait survécu grâce à la complicité de son maître qui lui aurait permis de vivre dans un coin isolé où il serait mort de maladie. Quant au père Sotello, voulant continuer son sacerdoce de missionnaire, il fut brûlé vif le 25 août 1624 à Omura. De cette aventure peu banale, il reste de nombreux écrits à la gloire de ce serviteur zélé. Ils ont aidé à ce que sa mémoire puisse traverser les siècles et être honorée aujourd‘hui encore. Le musée de Sendaï présente de nombreux objets ayant appartenu à cet ambassadeur pour le moins extraordinaire. La ville de Saint-Tropez conserve également un portrait offert en 1967 par une télévision Japonaise venue réaliser un reportage sur ce petit coin de Provence où, pour la première fois, un de leur ancêtre avait mis le pied. Depuis, de nombreuses autres délégations officielles ou officieuses ont tenu à faire une sorte de pèlerinage dans ce lieu d’exception. Aujourd’hui, les très nombreux Japonais qui viennent visiter Saint-Tropez ignorent tout de ce pan d’histoire et sont avant tout intéressés par la gendarmerie du chef Cruchot, « le gendarme de Saint-Tropez» étant bien plus célèbre au pays du Soleil Levant que Hasekura Rokumeon. Sources : « Saint-Tropez à travers les siècles » de Joseph Rosati et Mme Riboti, archives municipales de Saint-Tropez.