Var-Matin (Grand Toulon)

Ad nauseam

- Par DENIS JEAMBAR

Jusque dans quels bas-fonds va donc descendre cette campagne présidenti­elle ? Les sondages nous annoncent un taux d’abstention sans précédent le  avril prochain lors du premier tour du scrutin élyséen. Et pour cause ! Les électeurs ne sont pas confrontés à une décomposit­ion politique mais à une crise démocratiq­ue. C’est toute notre vie publique qui est en train de sombrer. L’émission consacrée jeudi soir à François Fillon aura été l’illustrati­on désespéran­te de cette situation. L’avenir de la France et des Français n’y a occupé qu’une place secondaire, écrasée sous le poids des affaires de François Fillon et de son attaque surprise contre François Hollande, accusé d’avoir mis en place un cabinet noir à l’Élysée. Certes, le candidat de la droite et du centre clame son innocence, mais il ne peut demander un débat sur le fond et défendre son programme en se lançant à son tour dans ce qu’il dénonce. Il a du coup relancé le climat de calomnie qui pèse sur cette campagne. On comprend la manoeuvre de François Fillon et son objectif. En créant une affaire dans sa propre affaire, il cherche à la relativise­r. Une tactique vieille comme la politique : depuis Machiavel, la ruse en est un des moyens favoris. Elle exige de l’audace et de l’habileté. En partant à l’assaut contre le chef de l’État, François Fillon a incontesta­blement fait preuve d’une sidérante audace tout en créant, ce qui est un atout de la ruse, une immense surprise. A-t-il pour autant été habile et peut-il en espérer un résultat ? Il est évident qu’en se lançant dans cette manoeuvre, il voulait surtout mobiliser son électorat, le ramener dans son camp en jouant sur le très fort discrédit du Président au sein des électeurs de droite, voire du centre. On imagine d’ailleurs assez aisément le coup suivant sur cet échiquier de la ruse : François Fillon expliquera de plus en plus qu’Emmanuel Macron est un faux nez de François Hollande et mettra les deux hommes dans le même sac. Encore faut-il que cette tactique fonctionne et que l’électorat qui l’a abandonné revienne vers lui après ce coup d’éclat très risqué. Le sondage Harris Interactiv­e qui a suivi l’émission de jeudi montre que  % des électeurs de droite ont été convaincus par sa prestation, soit six points de mieux que lors de son passage sur ce même plateau en octobre . Il a même progressé de  points dans l’électorat des Républicai­ns avec  % de convaincus. En outre, l’émission a presque égalé son record d’audience avec , millions de téléspecta­teurs. Bref, même si sur l’ensemble des téléspecta­teurs, François Fillon a beaucoup moins convaincu que lors de la primaire, il a marqué des points dans son électorat. C’était le but de sa manoeuvre. Sera-t-il suffisant pour revenir dans la course du premier tour ? C’est loin d’être acquis. On connaît le dicton perse : « Qui sème le vent, récolte la tempête. »

« Certes, le candidat de la droite et du centre clame son innocence, mais il ne peut demander un débat sur le fond en se lançant à son tour dans ce qu’il dénonce. »

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