Le tube digestif sous pression
Mieux comprendre les mécanismes à l’origine des troubles des douleurs digestives : c’est la promesse faite par la manométrie haute résolution présentée par les équipes du CHU de Nice
Grâce à la manométrie haute résolution, on peut aujourd’hui réaliser des explorations fonctionnelles de tous les organes creux du tube digestif .» Selon le Pr Thierry Piche, spécialiste des troubles digestifs, il n’y a aucun doute : cet appareil constitue une
(1) source de progrès majeurs dans la compréhension des mécanismes à l’origine des troubles digestifs, l’établissement du diagnostic et la mise en route de traitements adaptés. Exemples à l’appui.
Trois grandes indications
«Lorsqu’une personne se présente avec des troubles de la déglutition (difficultés à avaler du liquide ou du solide, ndlr) et que l’examen d’endoscopie ne révèle rien d’anormal, le recours à la manométrie oesophagienne est d’une grande utilité : il peut révéler par exemple une maladie motrice de l’oesophage (structure qui amène les aliments à l’estomac, ndlr), comme une achalasie (maladie dans laquelle le sphincter au niveau de l’oesophage ne se relâche pas, empêchant la progression des aliments, ndlr) . On peut également mettre en évidence un trouble moteur d’origine allergique ou secondaire à une maladie neurologique (sclérose latérale amyotrophique, Parkinson...) » La manométrie oesophagienne est également devenue un examen incontournable pour la prise en charge du reflux gastro-oesophagien. « On ne doit pas opérer un malade pour un reflux sans avoir réalisé une manométrie. Le risque, en effet, si l’oesophage ne fonctionne pas très bien -– et seule la manométrie peut en apporter la preuve –, c’est que la chirurgie anti-reflux, au cours de laquelle on “refait ” l’anatomie du bas de l’oesophage, n’aggrave des troubles de la déglutition qui ne s’exprimaient pas jusque-là. »
Zones non fonctionnelles
Concernant la manométrie anorectale, elle a trois indications majeures. « Elle est très utile pour la prise en charge de la constipation sévère, résistante aux laxatifs, où la force de poussée est déterminante.» Le spécialiste évoque également l’incontinence anale, un phénomène mécanique, associé à une rupture du sphincter anal « secondaire à un accouchement, à un traumatisme du périnée lors d’accidents de la voie publique ou à des rapports sexuels. » Dernière indication, les troubles de la statique pelvienne (rectocèles ou prolapsus). Des mots savants pour dire une réalité très pénible à vivre, liée à la déformation du rectum. «Les personnes décrivent par exemple une sensation de “boule” vaginale, se plaignent de douleurs lors des rapports sexuels, ou d’être contraints d’effectuer des manoeuvres digitales pour aller à la selle.» Grâce à la manométrie, les spécialistes peuvent analyser, sur une reconstitution 3D du canal anal, les pressions qui s’exercent, mesurer la contraction des muscles de l’anus et définir les zones qui ne fonctionnent pas, avant d’envisager un traitement médical ou chirurgical. Depuis son installation au CHU de Nice, quelque 700 patients bénéficient chaque année de cette technologie de pointe, beaucoup mieux supportée par les patients que la manométrie conventionnelle. 1. Lauréat de l’appel à projets santé 2013, l’appareil a été financé à hauteur de 50 % par le département des Alpes-Maritimes.