Var-Matin (Grand Toulon)

Enfin réunis !

SaintRapha­ël Après plusieurs années de recherches, David a retrouvé le 7 mars dernier son père biologique qu’il n’avait jamais vu. Un ancien GI américain, aujourd’hui retiré dans l’Ohio. Récit...

- ÉRIC FAREL efarel@nicematin.fr

Il est un enfant de la guerre. Né à Saïgon, en 1968, au beau milieu du conflit dévastateu­r qui oppose l’armée populaire vietnamien­ne aux États-Unis. Deux jours à peine après sa naissance, le petit Tuan Trinh Thanh est déposé par une femme à l’orphelinat de Biên Hoà. Il va y séjourner deux ans. Deux années avant de faire l’objet d’une adoption, par une famille française d’origine espagnole. Le petit Tuan devient alors David Zapata. C’est le début d’une longue histoire... Aujourd’hui, David a 48 ans. Et il est un homme heureux parce qu’enfin, il vient de retrouver son père biologique. Lui, s’appelle Kelly Dean Dowden. C’est un Américain qui vit dans l’Ohio, non loin de la capitale, Columbus. C’est aussi un ancien GI... « Pas un engagé, mais un appelé comme beaucoup de jeunes à l’époque, qui vibraient pour la bannière étoilée », commente David. Mais comment le fils et le père se sont-ils rapprochés ? On s’en doute, il aura fallu du temps, de la patience, de la persévéran­ce. De la chance aussi et... l’appui de la science. Tout commence par un retour aux sources, au Vietnam, à l’orphelinat administré par les soeurs de SaintPaul-de-Chartres. En consultant le registre paroissial, David apprend plusieurs choses : d’abord qu’il est né un 3 juin et pas un 7 juillet, comme l’indiquaien­t les documents officiels en sa possession. Ensuite, sa véritable identité. « En fait, mes parents adoptifs, Michel et Suzanne, m’ont choisi sur une photo... qui n’était pas la mienne. C’était celle d’un petit garçon décédé juste au moment de l’adoption, et qui s’appelait Van Nam Nhan .» David prend sa place. En France, il grandit tranquille­ment dans la banlieue de Saint-Etienne. « Vers l’âge de 8-9 ans, mon père et ma mère adoptifs m’ont parlé de mes origines. Mais ce n’est que vers 12 ans que j’ai vraiment percuté. J’ai d’abord commencé par chercher ma mère. Je suis passé par la Croix-Rouge française qui m’a mis en relation avec Rose-Marie Taylor, une bénévole australien­ne très connue pour son action dans les orphelinat­s et qui se trouvait à Biên Hoà au moment de ma naissance. Elle m’a dit : “Je me souviens bien de toi. Tu es le petit Tuan.” » Plus tard, David apprend que celle qui l’aurait déposé se nomme Xuan Trinh Thi. Mais était-ce sa mère ? Ou une amie ? « Je me suis rendu à l’hôtel de ville puis au consulat de France à Hô-ChiMinh-Ville (l’ancienne Saïgon, Ndlr). J’en suis sorti déçu car je me suis heurté à une administra­tion très fermée. Et je n’ai jamais retrouvé ma mère... » Envers laquelle, soit dit en passant, il ne nourrit aucune amertume : « Je pense qu’elle a agi par instinct de survie. Pour moi et pour elle. Un enfant né avec les yeux bleus, ça ne faisait pas très couleur locale... » Avec son père, David connaîtra davantage de succès. « J’ai mis cinq ans pour découvrir qui il est. Je faisais partie d’une communauté d’Amérasiens et on avait coutume de se retrouver une fois par an, dans les capitales européenne­s. Cela nous permettait d’échanger des informatio­ns. Un jour, quelqu’un m’a dit : “Tu devrais faire un test ADN”. Et je me suis tourné vers le Family Tree DNA. Ce test, qui ne coûte pas grandchose et que je recommande à tous ceux qui vivent une situation similaire à la mienne, a été comparé sur une banque de données mondiale. Et il a “matché” avec l’un de mes cousins germains qui, lui-même, en avait effectué un parce qu’il voulait confirmer ses origines Cherokees. » On passe sur les détails, les échanges de mails, les nuits passées sur Facebook pour des correspond­ances parfois compliquée­s... «Jeme suis pris pas mal de râteaux parce qu’on croyait que ma démarche était une arnaque. » Mais son père biologique, finalement, se laisse convaincre. Notamment à la vue d’une photo de son fils. « Je lui ressemble beaucoup », concède David. Bref, tous deux conviennen­t de se voir, dans l’Ohio, à Southville. Un face à face organisé le 7 mars dernier. « J’avais un peu d’appréhensi­on, bien sûr. Mais je me suis dit que j’aurais bien un feeling avec une ou deux personnes de la famille. En fin de compte, tout s’est très bien passé. Je me suis découvert deux demisoeurs et un demi-frère. C’était l’aboutissem­ent d’une recherche, la fin d’un parcours initiatiqu­e. » L’une des premières questions que David pose à Kelly est délicate... « Je voulais savoir si j’étais le fruit d’un viol. Et mon père m’a rassuré. À l’époque, il avait 19 ans et il a fréquenté une jeune fille, ma mère, pendant quelques semaines. Ensuite, il a été affecté ailleurs, sur les hélicos pour aller évacuer les blessés. Ils ne se sont jamais revus et lui, n’a jamais su qu’elle était enceinte. » Rentré au pays, Kelly a ouvert une entreprise et s’est installé comme couvreur. Aujourd’hui, à 69 ans, il vit dans une petite maison, entouré des siens, adore la pêche et la chasse. David l’appelle Dad (papa en anglais, Ndlr). « Il me considère vraiment comme son fils. Maintenant, je fais partie de sa famille. » Entre l’un et l’autre, une correspond­ance régulière s’est instaurée... « Une fois par semaine, il m’envoie un petit message. » Et puis, surtout, il est question que Kelly, un jour prochain, vienne à Saint-Raphaël. Une occasion pour lui de faire connaissan­ce avec ses quatre petits-fils français. Et de boucler la boucle...

J’ai mis cinq ans pour découvrir qui il est ” Maintenant, je fais partie de sa famille ”

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Avec son autre demi-soeur, Dodie.
 ?? (Photos D. R.) ?? David (au centre), aux côtés de sa nouvelle famille américaine : son demi-frère, Kelly junior (à droite), Dreama, sa demi-soeur et son père, Kelly.
(Photos D. R.) David (au centre), aux côtés de sa nouvelle famille américaine : son demi-frère, Kelly junior (à droite), Dreama, sa demi-soeur et son père, Kelly.

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