Un nouveau regard sur La Seyne d’aujourd’hui
Ce dossier spécial de six pages sur La Seyne est le fruit de plusieurs mois de reportages des étudiants de troisième année de l’IEJ Marseille, qui ont trempé leur plume dans la rade pour appréhender la deuxième ville du Var et ses 65 000 habitants. Cette
La Seyne demeure une ville rebelle ” Marc Vuillemot, maire
Si c’est une ville en pleine mutation que les jeunes journalistes de l’Institut européen de journalisme (IEJ) de Marseille ont découverte, son âme perdure. La Seyne, ce n’est pas une banlieue de Toulon, ni une cité-dortoir, c’est une identité basée sur son passé ouvrier et industriel. Les chantiers navals, fermés il y a trente ans, ont laissé une trace indélébile. Ils ont créé et renforcé l’identité populaire de la ville. Mais aujourd’hui, ses entrepôts vides ne sont plus que des terrains de jeux pour la nouvelle génération. Le soir, les jeunes viennent boire et s’amuser dans ces lieux où hommes et femmes ont travaillé jusqu’en 1987. « Avec mes amis, après les cours, on va se caler dans cet énorme bâtiment désaffecté. On a l’impression d’être dans un autre monde », reconnaît Quentin, lycéen seynois qui n’a pas voulu donner son nom. L’âge d’or industriel de La Seyne est révolu. Pour la nouvelle génération, les chantiers navals ne sont plus qu’un musée. Toujours fidèle à elle-même, La Seyne ne veut pas oublier son passé ouvrier. Au contraire, elle le revendique pour construire un avenir basé en grande partie sur le tourisme. Le Var a toujours été un lieu prisé par les vacanciers, mais, l’année dernière, La Seyne ne disposait que de douze hôtels en centre-ville, dont deux quatre étoiles selon une étude de l’Insee en partenariat avec la Direction générale des entreprises. Pour pallier cette insuffisance d’infrastructures, la ville se laisse séduire par de nouvelles place to be: un casino a ouvert ses portes et un hôtel Hilton sera inauguré cet été aux Sablettes. Pourtant, pour la municipalité, le tourisme ne doit être que l’un des aspects de l’économie locale, contrairement aux autres stations balnéaires du Var. «La Seyne demeure une ville rebelle », assène le maire Marc Vuillemot. Mais si La Seyne assume désormais son désir d’évoluer, le quartier Berthe, connu comme «les quartiers Nord » de la ville, a déjà pris de l’avance dans cette métamorphose. Berthe a changé, même si son image d’adresse maudite perdure encore. Les grandes tours sont tombées pour laisser place à des résidences et à l’installation de nouvelles familles. Les Seynois commencent à prendre conscience que ce quartier a changé. Berthe n’a plus rien d’une banlieue de grande ville. Exit l’insécurité et les rues sales, le secteur se pare désormais de noms de fleurs pour séduire les habitants. Mais cette dynamique de rénovation n’a pas encore atteint le centre-ville. Bâtiments dégradés, moisissures, peintures écaillées… C’est évident, des travaux sont nécessaires, et de toute urgence. Mais ils ne devraient pas commencer avant fin 2018, une échéance qui risque pourtant d’être encore repoussée. « De toute façon, on ne peut pas faire pire ! » Si l’historien Marc Quiviger essaie de voir le verre à moitié plein, nombreux sont les habitants et les commerçants qui ne supportent plus le mauvais état de leur ville. Et si La Seyne veut devenir un havre privilégié pour les plaisanciers, elle doit porter une attention toute particulière à l’image qu’elle renvoie. Seulement, les ports du Lazaret ne possèdent pas les équipements que l’on attend d’un port de plaisance. Au contraire, ils sont la représentation parfaite du do it yourself. Des pontons ont été ajoutés, bricolés, réparés au fil des ans par des usagers plus ou moins habiles de leurs mains. Mais si l’on peut apprécier ce désir du made in La Seyne, le résultat est sans appel : le port de la Petite Mer est jugé aussi dangereux que vétuste. Pour ne plus nuire à l’attractivité touristique de la ville, l’autorité portuaire veut entamer une véritable mue. Autre chantier pour améliorer le quotidien des habitants, la culture. Elle est victime des coupes budgétaires successives décidées par les politiques qui se sont succédé ces trente dernières années - sans parler d’un manque de communication patent entre les différents acteurs de la ville. Le résultat le plus marquant est l’absence de salle de cinéma. Mais si la ville manque pour l’heure - de cinéma, elle ne manque pas de caméras ! La Seyne est équipée de soixante caméras de surveillance, un investissement destiné à lutter contre les infractions quotidiennes. Si le système de vidéosurveillance a entraîné une hausse de 54 % des affaires résolues, certains s’interrogent sur l’intérêt de ces appareils. Pour Claude Astore, adjoint au maire à la sécurité, « l’utilité de ce dispositif est d’avantage curatif que préventif ». D’autres craignent un Big Brother à la seynoise. Le débat reste ouvert. Autre point noir de la ville : sa circulation. La Seyne est la deuxième commune la plus embouteillée du Var. Une situation asphyxiante pour les automobilistes, condamnés au “cul-à-cul” durant des heures de pointe aux amplitudes de plus en plus larges. Pourtant, chaque tentative d’amélioration finit par être abandonnée. « Je connais bien les bouchons marseillais, mais ceux de La Seyne, c’est du solide ! », s’exaspère une étudiante seynoise abonnée aux embouteillages.