Var-Matin (Grand Toulon)

L’En-Avant enfin derrière lui

- LAURENT SEGUIN

L’art du contre-pied. Mohamed Soly ne se contente pas de provoquer des tours de reins aux défenseurs adverses. Non, l’attaquant de l’étoile Fréjus/Saint-Raphaël est aussi capable de vous déstabilis­er en dehors d’un terrain et en un temps record. On en a fait la drôle expérience quand celui que nous n’espérions pas ponctuel et que nous imaginions surtout voir arriver au volant d’une voiture de sport un peu tape à l’oeil s’est non seulement pointé en avance à notre rendez-vous, mais nous a surtout rejoint au guidon d’un engin plutôt inédit pour un joueur de foot. « Bonjour, je vais juste poser mon vélo à l’abri et j’arrive », nous a poliment, presque timidement, lancé Mohamed. Comme un premier tacle glissé à l’image d’enfant terrible du football que le jeune homme traîne depuis une altercatio­n avec des coéquipier­s lors d’un entraîneme­nt à Guingamp. Nous sommes alors en 2011, l’EnAvant Guingamp vient de s’assurer d’une montée en deuxième division, mais une bagarre éclate et Mohamed s’interpose. « J’avais la possibilit­é de signer à Lorient, mais Kévin Gameiro, qui devait partir à Paris, est resté à Lorient, expliquet-il. Je venais de mettre 9 buts en National et Jocelyn Gourvennec (alors entraîneur de l’EAG) m’a demandé de rester pour la montée en Ligue 2 avec Guingamp. Et puis il y a eu cette embrouille avec Christian Bassila (un défenseur de son équipe, Ndlr). Gourvennec a voulu montrer son autorité. J’ai dû finir la saison avec l’équipe réserve. Derrière j’ai morflé », se souvient l’attaquant. Ce qui devait alors être une voie royale s’est transformé en chemin de croix. Dans les Côtes-d’Armor, Mohamed avait pourtant tout pour marcher sur l’eau et surtout sur les traces d’un certain Didier Drogba, passé lui aussi par Guingamp. Car Soly est un crack. Régulièrem­ent surclassé avec les équipes de jeunes au Sénégal, sélectionn­é pour les qualificat­ions de la coupe d’Afrique des Nations des moins de 16 ans, le natif de Dakar voit Le Mans, Sochaux et Guingamp venir frapper à la porte alors qu’il a tout juste 16 ans. «Ils sont souvent venus me voir, mais l’En-Avant a montré plus d’envie. Arriver à Guingamp pour un jeune footballeu­r c’était idéal. C’était un excellent cadre de travail, il n’y avait pas de tentations ». Arrivé en Bretagne, le jeune attaquant tape très vite dans l’oeil du président Noël Le Graët qui, selon la légende, lui fait signer un contrat de huit ans dans le dos du staff technique. « On disait que Monsieur Le Graët était mon papa, et c’est vrai que c’était un peu mon père français. Il m’a donné huit ans de contrat. C’est quelqu’un qui comptait beaucoup sur moi. » Malheureus­ement, l’enfant prodigue, le fils préféré, va se transforme­r en enfant terrible et après cette fameuse bagarre, Gourvennec ne voudra plus jamais entendre parler de lui. Alors, les prêts s’enchaînent. Amiens, Cannes, Le Poiré-sur-Vie, puis Beauvais et de nouveau Cannes... Soly traverse la France de long en large avant d’atterrir en Bulgarie où il se fracture la cheville. « Je voulais arrêter, rentrer au Sénégal, se souvient Mohamed. Mais mon papa m’a demandé de repartir au combat et comme je ne lâche jamais rien, je suis revenu à Cannes, où Pilorget m’a tendu la main. »Un entraîneur qui ne tarit pas d’éloges à son sujet. «Mohamed est bourré de qualités, explique JeanMarc Pilorget. C’est un gâchis, il s’est perdu tout seul, mais ce n’est pas un méchant garçon», assure celui qui entraînait Cannes en 2014, lorsque Soly a retrouvé Guingamp pour un quart de finale de coupe de France. Perdu 2-0 contre son ancien club, ce match aurait pu servir de revanche, mais avec le recul, il a apporté autre chose à Mohamed. «Ça m’a permis de faire le deuil avec Guingamp », annonce Soly. Aujourd’hui, la page de l’EnAvant semble enfin tournée et Soly a l’occasion d’en écrire une nouvelle. Hasard de la vie, c’est à nouveau contre Guingamp qu’il peut le faire. Cet EAG qu’il va retrouver mardi prochain. À nouveau en quart de finale et à nouveau à Cannes. Comme Mohamed, la vie sait être têtue. Comme Soly, elle sait aussi être surprenant­e.

Gourvennec m’a demandé de rester. Et puis il y a eu cette embrouille. Derrière j’ai morflé ” On disait que Monsieur Le Graët était mon papa ”

 ?? (Photos Adeline Lebel et F. T.) ??
(Photos Adeline Lebel et F. T.)

Newspapers in French

Newspapers from France