Var-Matin (Grand Toulon)

Baptiste Rossi, loin des yeux, si près du coeur

Étudiant à Sciences Po Paris, le jeune et talentueux Hyérois sort son deuxième roman, Le Roi du Sud. Il y raconte son amour du Var, sur fond de fiction politico-mafieuse dans les années 80

- GUILLAUME AUBERTIN gaubertin@nicematin.fr

C’est un retour aux sources express. Alors, forcément, il savoure, se délecte des rayons de soleil printanier­s et profite de l’air méditerran­éen si cher aux expatriés varois. Dans moins de deux heures, Baptiste Rossi a un train à prendre. Direction Paris, où il ronronne en dernière année de Sciences Po, tout en poursuivan­t sa carrière d’écrivain précoce. Sa visite en terre natale a été aussi brève qu’intense. Pour tout dire, le « Hyérois de coeur » (qui est né à Toulon et a grandi à La Londe) faisait partie de la délégation présidenti­elle venue annoncer, la semaine dernière, la labellisat­ion de la Villa Noailles en tant que Centre d’art d’intérêt national. Malgré son jeune âge (23 ans) et sa timidité apparente, l’écrivain au regard sombre et ténébreux connaît du monde. Du beau monde même. Il a ses entrées un peu partout et ne manque jamais une occasion de promouvoir ce qu’il considère comme « l’endroit le plus cool de France ». « C’est un garçon extrêmemen­t passionné et très talentueux qui met beaucoup d’énergie pour sa ville », dit de lui Jean-Pierre Blanc, le directeur de la Villa Noailles. Si dans le Var, le monde culturel lui tend les bras, à Paris, le jeune écrivain fraie déjà avec les politiques, qui le courtisent pour sa plume et sa vivacité d’esprit. Dans son premier roman, le jeune Varois brossait une critique âpre et corrosive du monde de la téléréalit­é. « Ce livre, c’est un peu la télé et la littératur­e qui se disputent. C’est Proust contre Nabilla. Mais, au final, c’est la littératur­e qui gagne », résumait-il à l’époque, du haut ses dix-neuf printemps.

Période romanesque

Cette fois-ci, avec Le Roi du Sud, Baptiste Rossi change complèteme­nt de registre, dans un style encore plus précis, plus mature, mais toujours aussi audacieux et flamboyant. C’est l’histoire de Daniel, un minot de 20 ans qui revient dans son Var natal avec l’espoir de trouver en la politique un nouveau sens à sa vie… L’action se déroule au début des années 80 dans une belle ambiance de corruption générale organisée. La ville est baptisée Portovan, mais difficile de ne pas reconnaîtr­e Toulon, sa «rade» et ses «paysages pittoresqu­es» qui fleurent bon la lavande, l’anis et l’aïoli. C’est d’ailleurs « en lisant une biographie de Maurice Arreckx (maire de Toulon de 1959 à 1985, Ndlr) » que l’inspiratio­n lui est venue. Mais l’auteur préfère tuer le suspense : il a « choisi la fiction », ditil, pour s’offrir davantage de «liberté dans l’écriture ». «Fasciné par cette période romanesque » de l’histoire varoise, l’écrivain regrette que le sujet n’ait «jamais ou peu été exploité » dans la littératur­e. Or, il avoue avoir pris un certain « plaisir enfantin » dans cet exercice : « C’est comme de recréer une bataille qui n’existe pas en racontant l’histoire avec des soldats de plomb. Comme disait Alexandre Dumas : “Qu’importe de violer l’histoire, pourvu qu’on lui fasse de beaux enfants”. »

La nostalgie du Sud

Autant inspiré par les oeuvres de Marcel Pagnol que par Les Affranchis de Martin Scorsese, Baptiste Rossi avait donc pour ambition de « faire un bon thriller sur la politique et le Var ». Le pari est réussi. C’est qu’il a mis du coeur à l’ouvrage. Lui qui a passé sa jeunesse entre « les sorties à Léoube ou Porqueroll­es » et les apéros sur le port d’Hyères ou du Lavandou n’a pas eu à aller chercher très loin pour décrire « la beauté des paysages ». Difficile, en effet, de ne pas succomber face à autant de justesse et de poésie, comme si le chant des cigales accompagna­it chaque page tournée. Car le vrai héros du livre, c’est bien le Var. Ses îles d’or, ses habitants et son inimitable douceur de vivre. « C’est mon pays, racontet-il simplement en enchaînant les cigarettes. J’avais envie de le décrire sans cliché, ni folklore. » Pour y arriver, il n’a pas hésité à puiser dans son histoire personnell­e. « Il y a par exemple le personnage de Marinette », un hommage à sa grand-mère pied-noir qui lui concoctait « des bons petits plats ». Autant de souvenirs qui ont le don d’éveiller tous les sens du lecteur… Et pourtant. Ce livre, il l’a écrit lorsqu’il était à Berlin, bien aidé par cette « nostalgie du Sud » qu’il ressent aujourd’hui encore. Sans doute sa meilleure muse. Car «après avoir pas mal voyagé» ,il n’en reste pas moins convaincu d’être né dans « l’un des plus beaux endroits au monde ». Et c’est sans doute le sentiment qu’éprouveron­t les lecteurs du Roi du Sud. «Je pense que quand les gens arrivent à la fin du livre, prophétise-til, ils ont envie de venir. » En tout cas, lui a hâte. Il n’est pas encore reparti qu’on le sent déjà impatient «de chiller ou de bouquiner sur la plage de l’Almanarre», lors de ses prochaines vacances. Difficile de résister à l’appel du coeur. Surtout lorsqu’il continue de battre si fort, si loin des yeux.

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