Le généreux voyage d’un Varois pour un berger italien
Le Grimaudois Alessandro Sartorelli a reconstitué le troupeau d’un berger sinistré des Abruzzes au cours d’un incroyable périple qui l’aura fait passer par la Toscane et toutes sortes d’angoisses
Membre actif de la commission extra-municipale Grimaud Europe, paysagiste, historien et surtout bon samaritain, Alessandro Sartorelli est connu pour ses actions en faveur des démunis. Mais le voyage qu’il a fait dernièrement ressemble à une incroyable épopée. «Tout est parti de la série de catastrophes qui sont survenues cet hiver en Italie: tremblements de terre, avalanches et glissements de terrain qui ont sinistré plusieurs régions», raconte-t-il. Issu d’une longue lignée de paysagistes turinois, Alessandro a eu une pensée particulière pour ces hommes de la terre qui ont tout perdu.
« Il fallait faire quelque chose »
C’est le cas de Salvatore Pragliola, éleveur de brebis dans les Abruzzes, dont le troupeau de 80 bêtes, est mort de faim et de froid, bloqué par la neige. « J’étais triste et en colère, confie Alessandro. Frustré de ne pas avoir été là à ce moment-là pour tenter de sauver ces bêtes à l’aide d’autres amis chasseurs alpins». Son besoin d’aider prend alors une autre tournure: «Je me suis fixé comme mission de rendre son outil de travail à cet homme ruiné». Mais comment reconstituer un troupeau ? Et, surtout, comment le transporter jusqu’en Italie ? Avec l’aide d’une poignée d’amis, Alessandro crée la page facebook Risorgimento per l’Abruzzo: «Les dons ont afflué et j’ai vite eu de quoi acheter vingt bêtes». Mais les normes vétérinaires rendent très compliquée toute possibilité de faire passer la frontière d’un pays à une bête. Un obstacle qu’Alessandro a pourtant réussi à franchir... en allant acheter des brebis françaises en Toscane ! «Il y a là-bas une entreprise spécialisée dans l’importation de brebis Lacaune, excellente race dont le lait permet la production de savoureux fromages». Le voilà parti avec femme et enfant, à bord d’une camionnette, direction les Abruzzes, via Florence. La famille vit alors une incroyable épopée entre galères multiples et grands bonheurs: «On a tout eu: l’autoroute bloquée par un camion en feu et notre fourgon qui est tombé en panne deux fois, avant l’arrivée en Toscane». Enfin à bon port, les trois Sartorelli embarquent à bord de leur fourgon 20 agnelles de 25 à 30 kg chacune direction les Abruzzes: «Là, nous sommes entrés dans l’illégalité car nous n’avions pas les autorisations nécessaires pour transporter les bêtes. Mais il n’était pas question de payer 400 euros à un professionnel, car cette somme représente la valeur de deux brebis».
Du Mozart pour amadouer les agnelles
Alors Ilona, Silla et Alessandro décident de la jouer profil bas : « Ona mis du Mozart pour apaiser les bêtes, pour ne pas se faire remarquer ». Une formule gagnante… jusqu’à la troisième panne. Heureusement, un garagiste ému par l’aventure a quitté sa maison et ses invités un dimanche pour venir les dépanner. Mais comment a-t-il géré les bêtes ? «On s’arrêtait toutes les heures pour leur donner à boire, les calmer, remettre sur pied celles qui étaient couchées. C’était quand même épique : des crottes et du pipi partout et des bêlements incessants quand la divine musique de Mozart a cessé lorsque la batterie est tombée à plat! » Partie le samedi matin de Grimaud, la famille est arrivée à bon port le dimanche à 21 heures. «Mais la fatigue a été vite effacée devant le visage illuminé de Salvatore qui m’a dit : tu ne te rends pas compte de ce que vous venez de faire pour moi ! ». Alessandro confesse avoir vécu avec les siens l’un des plus grands bonheurs de leur vie. Si cette aventure est terminée, Alessandro sait déjà que ce ne sera pas la dernière : « Le temps de souffler un peu entre mon travail, ma famille avec trois adolescents et une vie bien remplie. Mais le livre reste ouvert et on remplira bien d’autres pages ».