Var-Matin (Grand Toulon)

Le Pen et le « Vel d’Hiv » : le retour du révisionni­sme

Les propos tenus sur l’irresponsa­bilité de la France dans la déportatio­n de juifs en juillet 1942 ont provoqué un tollé hier

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Marine Le Pen a suscité, à deux semaines du premier tour de la présidenti­elle, une vive polémique sur un sujet épidermiqu­e pour l’image du FN, la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, appliquant au « Vel d’Hiv » un dogme frontiste variable, le « refus de la repentance ». La candidate FN à la présidenti­elle s’est attirée une volée de critiques en déclarant dimanche que « la France n’est pas responsabl­e du Vel d’Hiv », alors qu’elle était interrogée sur la rafle et la décision du président Jacques Chirac de reconnaîtr­e en juillet 1995 la responsabi­lité de la France. Emmanuel Macron, son principal adversaire d’après les sondages, y a vu, hier, dans un tweet « une faute politique et historique lourde ». « La vérité, c’est que le Vel d’Hiv a été un crime commis par l’État français », a affirmé le candidat de la droite François Fillon. Et selon le socialiste Benoît Hamon, « si on doutait que Marine Le Pen est d’extrême droite, on ne peut plus en douter ». « À celles et ceux qui pensaient que le FN avait changé, la sortie sur le Vel d’Hiv d’hier devrait achever de vous convaincre définitive­ment », a aussi lancé le grand rabbin de France Haïm Korsia, au lendemain de critiques du Crif ou de l’UEJF.

Israël condamne

Une déclaratio­n « contraire à la vérité historique », a aussi « condamné » Israël par la voix d’une porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères. En retour, Mme Le Pen, qui s’était déjà expliquée la veille par un communiqué, initiative rare, s’est dite, hier, « indignée par cette opération d’instrument­alisation politique ». Elle s’estime « du côté des gaullistes historique­s », de « François Mitterrand ou de nos jours Henri Guaino, Jean-Pierre Chevènemen­t, ou Nicolas Dupont-Aignan », face à Jacques Chirac, suivi par Nicolas Sarkozy et François Hollande, et qui a eu «tort» selon elle de changer la position officielle sur la responsabi­lité de l’Etat français. Hier, M. Dupont-Aignan a, lui, distingué « la France qui a sali la France, celle de Vichy, et la France qui a sauvé l’honneur, face à la collaborat­ion».

Repentance pour les harkis

La polémique intervient au moment où la candidate FN baisse dans les sondages de premier tour, désormais à 23-24 %, ex aequo en tête avec Emmanuel Macron. Mme Le Pen, bien qu’elle ait clairement qualifié « d’ignoble » la rafle ou évoqué les « atrocités commises » pendant la Seconde Guerre mondiale, prête le flanc à la critique sur un sujet sensible, trente ans après les propos de JeanMarie Le Pen sur les chambres à gaz, « point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ». Les 16 et 17 juillet 1942, quelque 13 000 juifs avaient été arrêtés à leur domicile par des policiers et des gendarmes français, avant d’être rassemblés au Vélodrome d’Hiver pour être ensuite envoyés en camp d’exterminat­ion, d’où moins d’une centaine revinrent. Cette rafle avait été demandée par la Gestapo. Dans le livre Le Front national de 1972 à nos jours (2014, Seuil), de l’historienn­e Valérie Igounet, le vice-président du FN et compagnon de Mme Le Pen Louis Aliot jugeait d’ailleurs que la stratégie de longue date de « dédiabolis­ation » de la candidate FN «ne porte que sur l’antisémiti­sme », un « verrou idéologiqu­e » qui « empêche les gens de voter pour nous ». Avec cette déclaratio­n dimanche, Mme Le Pen a surtout appliqué à la mémoire du « Vel d’Hiv » le 97e de ses 144 « engagement­s présidenti­els » : «Le refus des repentance­s d’État qui divisent. » Cette position n’est toutefois pas celle du FN concernant les harkis à la fin de la guerre d’Algérie, dont le parti dénonce régulièrem­ent « l’abandon » par les dirigeants français de l’époque puis les suivants. En 2012, Mme Le Pen demandait ainsi « excuses » et « réparation­s » à leur égard. Louis Aliot dénonçait explicitem­ent le « lâche abandon du gouverneme­nt Français ».

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(Photo AFP) A quinze jours du premier tour de la présidenti­elle, Marine Le Pen a-t-elle fait un faux pas en franchissa­nt une ligne rouge : celle du consensus national sur les épisodes les plus douloureux de l’histoire de France ?

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