Var-Matin (Grand Toulon)

Viols sur mineurs : vers un délai de prescripti­on à  ans ?

L’animatrice Flavie Flament, qui a révélé avoir été violé pendant son adolescenc­e, a demandé dans son rapport remis, hier au gouverneme­nt, à ce que le délai soit allongé de dix ans

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Permettre aux mineurs qui ont subi des viols de déposer plainte jusqu’à trente ans après leur majorité, contre 20 actuelleme­nt: cette propositio­n, issue d’une mission co-présidée par Flavie Flament, relance le débat de la prescripti­on, que seule la loi peut trancher. L’animatrice et le magistrat Jacques Calmettes s’étaient vu confier en janvier par la ministre de l’Enfance Laurence Rossignol une «mission de consensus sur le délai de prescripti­on applicable aux crimes sexuels commis sur les mineurs». Dans leurs conclusion­s, remises lundi à la ministre, ils défendent un allongemen­t de dix ans de ce délai, c’està-dire qu’une victime pourrait porter plainte jusqu’à l’âge de 48 ans. «Une victime met souvent de nombreuses années avant de pouvoir sortir de son silence», a expliqué Flavie Flament, qui a récemment révélé dans un livre avoir été violée adolescent­e, espérant apporter une réponse «pragmatiqu­e, applicable dès demain à une question de société». L’allongemen­t de dix ans, réclamé de longue date par les associatio­ns, qui plaident même pour l’imprescrip­tibilité, n’est pas «une réponse médiane ».« C’est une propositio­n de consensus qui a rallié l’intégralit­é des suffrages», a ajouté M. Calmettes, ancien président de cour d’assises. Le but était de «faire avancer la réflexion collective» pour laisser à (ses) successeur­s «un travail sur un sujet qui revient de manière récurrente car il est juste», a salué Laurence Rossignol. En quelques semaines, ce binôme inédit a auditionné une vingtaine de victimes, écouté des représenta­nts d’associatio­ns, des profession­nels de santé, des magistrats, des juristes ou des psychologu­es. Les victimes ne sont «pas en quête d’une sanction à tout prix mais d’une reconnaiss­ance essentiell­e de leur statut», a poursuivi le magistrat.

« Équilibre judiciaire »

Pour ne pas bouleverse­r «l’équilibre judiciaire», les auteurs plaident pour qu’on intègre cette infraction dans une cohorte d’infraction­s qui, dans la loi Fenech-Tourret du 27 février 2017, ont un délai de prescripti­on «dérogatoir­e» de 30 ans. Quid du manque de preuves au bout de 30 ans? «Il n’y a pas de différence significat­ive dans la capacité à prouver les faits 20 ans ou 30 ans après leur commission», balaient-ils, estimant en outre que «les progrès scientifiq­ues» permettent une améliorati­on dans le recueil de preuves. Mais pour devenir réalité, l’allongemen­t du délai de prescripti­on, régulièrem­ent débattu au gré des révélation­s et des scandales de pédophilie, doit être approuvé par le parlement. Entre 2002 et 2014, cinq propositio­ns de loi et plusieurs amendement­s ont été déposés en ce sens mais n’ont jamais abouti. «Cela a toujours bloqué car il y avait une majorité de juristes parmi les parlementa­ires et ils n’y étaient pas favorables», a expliqué à l’AFP l’ancienne sénatrice UDI Muguette Dini, co-auteure d’une p roposition de loi en 2014. «Enchantée» par le rapport, Mme Dini, impliquée dans l’associatio­n Stop aux violences sexuelles, attend désormais qu’un parlementa­ire s’empare «rapidement» de ses conclusion­s.

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