NOS TRÉSORS
En , à Tourves, millions de pièces de monnaie s’écoulent soudainement d’un trou. Les habitants accourent pour prendre leur part, jusqu’à ce qu’une femme venant récupérer la sienne en interrompt le flot. Sorcière, légende. Si les faits ont été embellis, leur véracité n’est pas remise en cause.
« Le vendredi 12 juin 1366, le paisible village de Tourves était mis en émoi. Vers neuf heures du matin, des enfants vinrent en jouant réveiller un jeune berger qui faisait paître ses brebis au bord du chemin public qui se trouve entre le village de Tourves et le château de Seysson (¹). Au moment où le pâtre se retournait pour voir qui le hélait, les enfants aperçurent tout à coup des pièces d’argent qui sortaient du sol par un trou d’abord si petit qu’on pouvait à peine y passer les doigts. Ayant bouché le trou avec leurs mains, les monnaies se mirent à jaillir un plus loin d’un autre trou, telle l’eau d’une fontaine, et en si grande quantité que les habitants du village en emportèrent, dans leurs bourses, leurs poches et jusque dans leurs tabliers, de quoi former la charge de vingt mules. » Ce texte qui date de 1903, est signé Henry de GérinRicard, archéologue (1864-1944), et Arnaud d’Agnel (1871-1952), un abbé historien de la Provence, tous deux nés à Marseille. Il est basé sur des faits consignés dans un acte des registres de la Cour des comptes de Provence avec un dessin représentant une pièce. Ce qui les authentifie même s’ils ont pu être embellis au fil du temps et des narrations.
Sorcière et maléfice au bout de l’actuelle rue Rougiers
Quarante-deux millions de pièces seraient ainsi sorties de terre. Et il y en avait encore que les Tourvains n’ont pas pu récolter. La faute à une femme « qui fendit la foule en criant : “Ma part ! Ma
part !”, racontent encore les deux historiens, mais au moment où elle se disposait à prendre son lot de trésor celui-ci disparut soudain. Sans doute, on la prit pour une sorcière et les assistants ne manquèrent pas de tirer de mauvais présages de cette disparition subite et explicable pour eux, seulement par un maléfice. » Cette monnaie aurait été enfouie au IIe siècle avant Jésus-Christ. Il s’agirait de pièces antiques de Marseille, avec sur une face une tête d’Apollon et sur l’autre les lettres MA pour Massalia. Selon Claude Arnaud, président de l’association Histoire populaire tourvaine, qui a exhumé cette aventure, « le lieu de la découverte se situerait aujourd’hui au bout de l’actuelle rue Paul-Rougiers, anciennement rue de Marseille, dans les environs de la chapelle SaintFrançois et de la maison des Rocassets au pied de la
colline du château de Valbelle ». Ce château s’élève à l’emplacement même de Torrevès, un des trois castrum ayant existé sur Tourves. Des deux autres, Seysson, voisin immédiat de Torrevès, et Gaylet sur la route de Toulon, il ne reste que des ruines. Le bout de l’actuelle rue Rougiers faisait partie de cette voie empruntée par les marchands phocéens commerçant avec l’Italie mais aussi avec les colonies marseillaises d’Antipolis (Antibes), de Nicaea (Nice) ou encore de Portus Herculis Monocci (Monaco). Cette route venait se greffer sur la voie aurélienne à l’emplacement de Tourves. Qui a caché ces pièces ? Peut-être un particulier qui pensait mettre sa fortune à l’abri ou selon l’hypothèse d’Henry de Gérin-Ricard et de l’abbé Agnel, des Celto-Ligures qui auraient pillé le Trésor public des Massaliotes au cours d’un transfert d’argent. C’est sans doute un phénomène géologique qui a craché une partie des pièces et avalé le reste, qui gît peut-être encore dans les entrailles de la terre.