Var-Matin (Grand Toulon)

 à Nice : Doumergue inquiet face à l’impérialis­me allemand

- ANDRÉ PEYREGNE

Nous poursuivon­s notre série sur les visites des présidents de la République dans notre région. Après Émile Loubet à Nice et à Toulon en 1901, Paul Deschanel dans les Alpes-Maritimes en avril 1920, Félix Faure en 1896 à Toulon, Nice et Monaco en 1896 (voir nos éditions des 9, 16 et 23 avril) voici Gaston Doumergue à Nice et Monaco en 1931. Le président arrive au bout de son mandat de sept années, qui prendra fin au mois de juin. Il a été élu le 13 juin 1924 à la suite d’Alexandre Millerand, qui a dû démissionn­er après l’arrivée d’une forte majorité de gauche à l’Assemblée. Pour le dernier voyage important de son mandat, le président Doumergue a décidé d’aller présider à Tunis les fêtes du cinquanten­aire de la Tunisie française. Sur le trajet, il s’arrête sur la Côte d’Azur. Le magazine L’Illustrati­on de Paris suit son voyage : « Monsieur Doumergue a quitté Paris le 8 avril. C’est par une riante matinée printanièr­e que son train spécial est entré en gare de Nice. La grande cité provençale et cosmopolit­e lui a fait une réception inoubliabl­e dans la profusion des fleurs, des drapeaux et des oriflammes. »

« Travailler à l’union des Français »

Le président traverse la ville, précédé par une spectacula­ire escorte de cavaliers, se rend au monument aux morts, applaudi par la foule. Son discours à la préfecture allait avoir un retentisse­ment internatio­nal, comme le relate L’Illustrati­on : « Après que M. Jean Médecin, maire de Nice, et M. Louis Gassin, président du conseil général eurent salué le chef de l’État et exprimé les sentiments qui étaient dans tous les coeurs, M. Doumergue prit la parole. Il fit allusion à la retraite prochaine qu’il va prendre et à la pensée constante qu’il eut, au cours de son mandat, de travailler à l’union des Français comme à la concorde entre les peuples. Puis, élargissan­t soudain le cadre de ces considérat­ions, il parla de la patrie, de son idéal pacifique, des sanglants sacrifices qui lui ont été imposés, de sa sécurité nécessaire et enfin des inquiétude­s que certains événements récents peuvent lui donner. » Une allusion est faite au récent traité d’union douanière qui a été signé le 18 mars 1931 entre l’Allemagne et l’Autriche et où la communauté internatio­nale craint que cela n’aboutisse à une annexion pure et simple de l’Autriche par l’Allemagne. La France, par la voix de son président, exprime pour la première fois son inquiétude. Discours du président Doumergue à Nice: «La France est en droit de penser que, tant que la Société des Nations — à l’existence de laquelle elle est si fidèlement attachée — n’aura pas à sa dispositio­n une force suffisante pour imposer l’exécution de ses décisions à ceux qui ne seraient pas disposés à s’incliner volontaire­ment devant elle, il lui faudra veiller, se tenir sur ses gardes et compter beaucoup sur ellemême. Elle a d’autant plus le droit de penser ainsi qu’elle vient de se trouver subitement en présence d’un événement brusqué dont il n’est pas permis de méconnaîtr­e ni l’importance dans le présent ni les conséquenc­es dans l’avenir, parce que l’histoire même du pays où il s’est produit contient un précédent plein d’enseigneme­nts qu’il serait dangereux pour nous d’oublier. Je ne veux rien dramatiser, messieurs, mais il faut mettre les choses exactement au point, car c’est ainsi qu’on se prémunira contre d’autres surprises et contre les dangers qu’elles pourraient comporter. » Commentair­e de L’Illustrati­on : « Cette évocation de l’Anschluss économique projeté entre l’Allemagne et l’Autriche au mépris des traités et des engagement­s contractés a pris la valeur d’un solennel avertissem­ent. Sans sortir de son rôle constituti­onnel, le président de la République avait le droit de le donner et d’apporter ainsi à l’opinion nationale justement troublée les assurances qu’elle souhaitait.» L’après-midi, le président Doumergue rend visite au prince Louis II à Monaco. Relation rapide de L’Illustrati­on : «Par la route de la Moyenne-Corniche, au pittoresqu­e enchanteur, le cortège présidenti­el gagna la principaut­é où le prince l’attendait en son somptueux palais. L’entrevue fut brève, car il fallait revenir sur le Colbert.» Le croiseur présidenti­el attendait en effet le président en rade de Villefranc­he-sur-Mer. Sous les ordres du contre-amiral Darlan, aux côtés du croiseur Duguay-Trouin et des torpilleur­s Foudroyant, Brestois et Sorbin, il allait faire dix-huit heures de traversée avant que le président Doumergue n’accoste sur les côtes tunisienne­s pour l’ultime voyage de son mandat.

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(@L’illustrati­on) Le président Gaston Doumergue était en visite dans notre région en . Ici sur le pont du navire Colbert 6, devant le monument aux morts de Nice 5 , et au Palais Princier de Monaco 3.

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