Jean-François Clervoy: «La Terre est un vaisseau spatial»
Les étudiants ingénieurs de la Marine et de l’Isen ont reçu les conseils du senior astronaute de l’Agence spatiale européenne (ESA) ayant sélectionné Thomas Pesquet pour le vol vers ISS
Chassez le naturel... À 59 ans, l’astronaute français Jean-François Clervoy a toujours la bougeotte. L’ingénieur polytechnicien vient d’explorer le porte-avions Charles-de-Gaulle, hier au cours d’une présentation sous-marine à des jeunes officiers en formation à l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (Isae-Supaero). La veille, mardi soir, le « touche-à-tout, expert en rien » avait ausculté l’espace dès sa descente du TGV, face à une centaine d’étudiants ingénieurs de l’Isen Toulon (Ingénieurs du numérique). Le prédecesseur de Thomas Pesquet, actuellement en orbite à 4000 km d’altitude au sein de la Station spatiale internationale (ISS), est très demandé. « Je l’ai sélectionné (il a participé au jury sélectif en 2008, Ndlr), expose-t-il avec fierté. Il a vingt ans de moins que moi qui a vingt ans de moins que Jean-Loup Chrétien, c’est la grande famille des astronautes français. » De son ordinateur portable défile un document filmé par la Nasa du voyage de Pesquet. L’opérateur de l’Agence spatiale européenne (ESA) l’a commenté, en anglais. Morceaux choisis d’une conférence de haut vol.
Le grand voyage
« Je suis monté à 600 km d’altitude, c’est le point culminant d’un vol habité à part les expéditions vers la Lune... » Pourtant, Clervoy n’a pas le blues de l’espace. « Si le voyage spatial me manque ? Non. Dans ma vie, tout s’est passé comme prévu. Et puis, en théorie, je peux encore voler. Je ne l’envisage pas. Cela dit, je retournerais tout de suite si on me le demandait. »
Vive la coopération internationale
Dans l’espace, la coopération internationale « fonctionne à merveille. Il n’y a aucune incidence de la sphère géopolitique sur Terre entre Russes et Américains par exemple. »
Comment devenir astronaute ?
Il n’y a pas de vol direct vers l’espace. « Il faut être né au bon moment, au bon endroit et être en bonne santé, détaille l’astronaute. Il faut avoir bac +5 ou 6 dans un domaine scientifique. Et, surtout, être très très motivé. Enfin, aimer le travail en équipe est indispensable. »
Le quotidien de la Station
Dans ISS, tout est réglé comme une horloge astronomique. Le topo est simple : huit heures de sommeil prévues, deux heures de sport par jour avec des appareils de musculation qui font « fait très mal, au début de la sensation d’apesanteur ». Un planning, similaire à un tableau de type Excel, décèle une rigoureuse liste de tâches affichées en heure GMT. Par exemple, Thomas Pesquet a l’obligation de réaliser une centaine d’expériences, « majoritairement en sciences de la vie » lorsqu’il n’est pas occupé à ranger, « un tiers du temps des astronautes ».« Le métier d’astronaute est sélectionné dans une palette de métiers variée (pilote, etc.) Il est à 100% celui d’opérateur. Ce n’est pas un chercheur... »
Ancien plongeur à St-Mandrier
Gare aux écueils irréversibles
« En apesanteur, on devient de vrais extraterrestres. » L’ingénieur en armement a décliné l’ensemble des problèmes irréversibles décelés chez l’astronaute : la décalcification, les radiations, les problèmes de vue dûs à la surpression sanguine notamment dans la boîte crânienne. « Un astronaute fait avancer la recherche médicale. En vol, l’oreille interne est hors service... »
Le temps de tweeter ?
Évidemment, Pesquet – comme aucun astronaute – n’adresse luimême de message direct sur le réseau social. « Trois personnes gèrent les réseaux au sol à plein-temps mais tout passe par lui bien sûr, explique Clervoy, brisant un mythe. Lorsqu’on voyage dans l’espace, on a envie de passer des messages comme l’écologie. On ressent que la Terre est un vaisseau spatial qu’il faut préserver. » Avant de jongler entre les « rétrofusées », les « giroscope » et les « ports d’accostage », Jean-François Clervoy était déjà passé par la rade. L’actuel président de Novespace, société organisatrice de vols paraboliques scientifiques, a reçu sa formation de plongée à Saint-Mandrier, où l’ingénieur général de l’armement détaché de la DGA (Direction générale de l’armement) avait expérimenté le déminage et le boulon explosif. Insaisissable, le vétéran de trois missions Nasa (), toujours employé par l’Agence spatiale européene (ESA), y gardé ses attaches. « Mon frère, Patrick Clervoy est médecinpsychiatre à l’hôpital Sainte-Anne et dispose de son cabinet en centre-ville. » 1. En 1994, 1997 et 1999.