Var-Matin (Grand Toulon)

Emmanuel Macron, l’homme (trop?) pressé

A moins de 40 ans, l’ancien locataire de Bercy pourrait bien, dimanche soir, remporter le second tour de l’élection présidenti­elle. Retour sur un parcours « révolution­naire »

- KARINE MICHEL kmichel@nicematin.fr

Il est, d’apparence, habité de cette suffisance qui « n’exclut pas le talent, mais le compromet » (1). Mais chez le jeune homme, cette arrogance des puissants masque une part de doute, ce doute qui fait avancer… Pour Emmanuel Macron, c’est à grand pas. A moins de 40 ans, le voilà aux portes de l’Élysée sans jamais s’être, auparavant, présenté devant les Français. En un an à peine, il a réussi le tour de force de présenter un nouveau visage de la classe politique, et d’être présent au second tour de la Présidenti­elle. Ce « Don Juan de la politique » comme le décrit la journalist­e Anne Fulda(2), est animé par la soif de plaire… Pour se rassurer. « À se demander si Emmanuel Macron ne fait pas tout pour retrouver toujours et encore le regard de Manette, sa grand-mère adorée.»

Manette, la littératur­e et Brigitte

Né à Amiens, dans une famille de médecins, Emmanuel Macron est l’aîné de trois enfants. Enfin… Une « grande soeur », enfant mort-né un peu plus d’un an avant sa naissance. Les parents ont, dit-on, consulté… Mais se remet-on jamais vraiment de la disparitio­n d’un enfant ? « L’aîné » de la fratrie Macron n’a-til pas cherché à faire oublier l’absente ? En tout cas, il fait très rapidement preuve d’une aisance naturelle à séduire par le verbe, et partage avec sa grand-mère maternelle Manette, la passion de la littératur­e, de la philosophi­e. C’est à elle dit-on, qu’il doit son engagement à gauche. Manette, devenue au même titre que Brigitte Macron, un « outil de communicat­ion » dans la campagne, conférant au candidat une dimension intellectu­elle et humaniste bien éloignée de la froide politique libérale que l’on prête à l’ancien banquier d’affaires. Ce regard, qui « l’a porté, approuvé, émancipé » écrit encore Anne Fulda, l’ancien locataire de Bercy le recherche toujours «chez les puissants qui l’entourent ». Dans la « conquête narcissiqu­e et perpétuell­e » d’un assentimen­t dont il puise l’énergie et la force d’aller de l’avant.

Un parcours jalonné de rencontres

Sa passion pour les lettres le rapproche de sa professeur de français et de théâtre, alors qu’il est élève au collège privé La Providence. Brigitte Auzière née Trogneux est alors mariée, mère de trois enfants dont l’aînée est une camarade de classe d’Emmanuel Macron… La différence d’âge, de milieux, le « quand dira-t-on » dans la petite bourgeoisi­e amiénoise, n’ont pas eu raison de leur amour. Lorsqu’il rejoint en première le prestigieu­x lycée Henri IV à Paris, établissem­ent dont on sort avec une carrière toute tracée, Brigitte ne tarde pas à s’installer elle aussi dans la capitale, où elle enseigne dans un lycée privé. La « singularit­é » de leur couple, la force de leur amour, Brigitte et Emmanuel Macron ont choisi de le mettre en scène sous le feu nourri des médias, avant de devenir un outil de campagne dès lors où le jeune ministre de l’Economie s’est lancé dans la course à l’Élysée. C’est donc avec Brigitte à ses côtés, sa part « non négociable » comme la présente Anne Fulda, qu’Emmanuel Macron franchit une à une les étapes qui l’ont conduit à lancer En marche ! en avril 2016. L’ENA d’abord – promotion Senghor

–, puis l’inspection générale des finances, la banque Rothschild… Un parcours jalonnés de rencontres qui le nourrissen­t autant que lui les séduit : Paul Ricoeur le philosophe pour commencer. Michel Rocard… Mais c’est en particulie­r à deux hommes que Macron doit d’être sorti de l’ombre. Jean-Pierre Jouyet d’abord. Le secrétaire général de l’Élysée de François Hollande a fait la connaissan­ce d’Emmanuel Macron à l’inspection générale des Finances. « C’est un garçon plein d’élégance, qui conjugue vivacité intellectu­elle et sens politique », confie celui qui présenta Macron en 2005 à François Hollande. Hollande dont Macron devient la voix économique et libérale… C’est Jouyet encore qui souffle le nom de Macron à François Hollande pour Bercy. Jacques Attali est lui aussi qualifié de «découvreur» de Macron. Les deux hommes se rencontren­t lors de la mise en place par le président Sarkozy, de la « commission Attali » en 2007. Emmanuel Macron n’est encore qu’un énarque mais «bluffe tout le monde» selon un observateu­r du capitalism­e français… De rapporteur de la commission, Macron en devient membre. Parmi les mesures préconisée­s alors : la baisse des cotisation­s sociales compensée par une hausse de la CSG et de la TVA, la réduction de la fiscalité qui pèse sur la finance mais aussi la réduction de l’administra­tion, la priorité donnée à l’éducation et l’accès aux compétence­s de base par exemple, sans parler d’une meilleure rémunérati­on des chômeurs en formation. Cela ne vous rappelle rien ? A 39 ans, et après un an de terrain à la conquête de la France, Emmanuel Macron n’a, finalement, commis que deux « erreurs » de parcours. La première: avoir laissé croire qu’il était Normalien. Lorsque son nom est prononcé dans les cercles de l’intelligen­tsia politico économique parisienne, Emmanuel Macron a en effet, le profil du diplômé de l’École « de la rue d’Ulm». Il n’en est rien. C’est d’ailleurs ce qui le différenci­e de Georges Pompidou, agrégé de lettres et diplômé de Sciences Po… ! Sa deuxième erreur restera Whirlpool, dans la campagne qui s’achève. Comment le candidat at-il pu laisser la situation lui échapper, en tout cas à l’image, lui qui déclarait en novembre 2014: « Quand on a grandi ici, on sait trop bien que l’Amiénois a beaucoup souffert de la désindustr­ialisation. »

(3) Il était alors question de la reconversi­on du site amiénois de Goodyear, pour lequel « Emmanuel Macron était prêt à faire beaucoup» aux dires du maire. Prêt à faire beaucoup, c’est aussi ce qui semble animer le candidat qui a reçu hier, le soutien vidéo de Barack Obama. Il pourrait, dimanche soir, devenir le plus jeune président de la Ve République.

C’est un garçon plein d’élégance” Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Elysée

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(Photo Franz Chavaroche) Le « Don Juan de la politique » Emmanuel Macron pourrait bien devenir le plus jeune Président de la Ve République.

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