Var-Matin (Grand Toulon)

Charles Berling lit les histoires des prisonnier­s

Des histoires de vie contées à des auteurs ou bien écrites lors de cours de français. À La Farlède, des prisonnier­s laissent percer leur humanité, parfois oubliée à l’extérieur

- SIMON FONTVIEILL­E

S’il y a une histoire qui m’a touché ? Il y a celle d’un pauvre réfugié syrien, dont le moteur du bateau a explosé au milieu de la Méditerran­ée… Mais toutes méritent d’être citées ! » Il est un peu plus de 16 h 30, en ce vendredi 5 mai. Au bout du fil, les courants d’air giflent les ailes de la voiture ramenant Charles Berling de la prison de La Farlède. De 13h30 à 16 h, l’acteur et codirecteu­r du théâtre Liberté y a lu, pour la première fois et devant une cinquantai­ne de prisonnier­s, une sélection de douze textes. Tous écrits par des détenus de la maison d’arrêt lors de leurs cours de français, ou bien recueillis par l’auteur marseillai­s Cédric Fabre et le traducteur Lofti Nia, puis retranscri­ts dans le livre Histoires vraies du dedans, paru en 2 016 et piloté par l’associatio­n Histoires vraies de la Méditerran­ée.

Sanglots nocturnes

« J’ai vu les détenus heureux d’avoir un regard différent, qu’ils n’imaginaien­t peut-être pas, sur leurs histoires, confie Charles Berling. Les textes sont parfois un peu maladroits, ou douloureux. Mais ils sont très créatifs et ont une grande qualité humaine. On n’est pas là à faire des figures de styles pour rien...» D’avantage que de vains et pompeux oxymores, euphémisme­s, ou autres pléonasmes, ce sont de véritables morceaux de vie ou des récits d’imaginatio­n qu’ont proposé les détenus. Une vie et une imaginatio­n que l’on a parfois tendance à oublier derrière le statut de criminel. « Quand il va repartir, toute la nuit on pleure, avec mon frère, même ma mère pleure, c’est comme un deuil, ça dure deux, trois jours, puis la vie normale continue », explique ainsi, depuis La Farlède, Kamel*, dans les Histoires vraies du dedans, quand il raconte à Cédric Fabre le départ pour La Valette de son père maçon, laissant derrière lui sa famille à Sétif. « La dizaine de prisonnier­s arabophone­s nous ayant raconté leurs histoires a souvent commencé par celle de leur condamnati­on, afin de mieux nous conter ensuite celles d’amour ou de famille, explique Cédric Fabre. On est souvent dans des histoires de pauvreté, de tristesse et de déchiremen­ts liées à l’immigratio­n. Ces histoires permettent de leur donner la parole, de retracer leurs itinéraire­s et de remettre en évidence leur humanité. Le clivage innocent/coupable d’un crime n’est pas le même que personne bien/salaud. Ça ne cadre pas. » Impulsé il y a deux ans par les responsabl­es de l’enseigneme­nt au centre pénitentia­ire de La Farlède, le partenaria­t culturel entre la maison d’arrêt et le théâtre Liberté risque fort de s’étoffer dans les temps à venir. « Faire lire leurs textes par Charles Berling a permis aux détenus d’être considérés comme des auteurs, ce dont ils se sentaient incapables… », glisset-on du côté de la prison. « On a envie de s’impliquer régulièrem­ent à leurs côtés, en faisant partager la culture avec toutes les population­s », souffle pour sa part l’acteur vedette du film Ridicule. *Les prénoms ont été modifiés

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