Var-Matin (Grand Toulon)

Le FN rate une occasion en or… jusqu’à la prochaine?

La défaite de Marine Le Pen est plus lourde qu’annoncée même si le Front national a doublé le nombre de ses électeurs par rapport à 2002

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

« Par ce résultat historique et massif, les Français ont désigné l’alliance des patriotes comme première force d’opposition [...]. Le premier tour a entériné une décomposit­ion majeure de la vie politique française [...]. Ce second tour organise une recomposit­ion politique entre patriotes et mondialist­es. C’est ce grand choix qui sera soumis au Français lors des législativ­es [...]. Le FN, qui s’est engagé dans une stratégie d’alliance, doit lui aussi profondéme­nt se renouveler pour être à la hauteur de cette opportunit­é historique. Je proposerai donc d’engager une transforma­tion de notre mouvement. »

Marine Le Pen n’aura pas réussi à franchir le seuil symbolique des 40 %. La défaite est plus lourde qu’annoncée. De ce point de vue, au moins, la candidate du FN, a raté son pari. Elle qui, depuis des mois, se présentait comme «la première force politique de France» ,adû reconnaîtr­e, hier soir, qu’elle n’est en réalité que « la première force politique... d’opposition ». Mais c’est déjà énorme ! Le Front national n’aura jamais été aussi proche du pouvoir. Marine Le Pen a d’ailleurs commencé à préparer l’avenir, dès hier soir, en annonçant que le FN pourrait bien s’effacer au profit d’un grand rassemblem­ent des patriotes. Car une nouvelle étape, elle aussi symbolique, vient d’être franchie par ce parti qui n’en finit plus de gagner des électeurs.

Le rendez-vous à ne pas manquer pour Marine Le Pen

Marine Le Pen a, certes, raté une «opportunit­é historique». Pas seulement parce que la candidate du Front national n’a pas réussi à transforme­r en victoire sa qualificat­ion pour le second tour. Après tout, son père avait connu le même revers dès 2002. Mais, le contexte était cette fois bien différent. Dès le premier tour, la candidate de « l’antisystèm­e » avait été débarrassé­e des deux grandes forces politiques qui, selon elle, se liguent depuis des années pour lui faire obstacle. Exit «l’UM-PS», ce ne pouvait être que l’aubaine rêvée pour la troisième voie prônée par le Front national. Si ce n’est que les Français en ont préféré une quatrième. Marine Le Pen s’est fait doubler sur sa gauche par un objet politique non identifié nommé Emmanuel Macron.

Un plafond de verre qui vole en éclats

Le tout jeune mouvement En marche! aura réussi à imposer, en quelques mois, une alternativ­e politique plus crédible que celle que s’emploie à bâtir depuis des années le Front national. En cela, la défaite est cuisante. Même si, à y regarder de plus près, le FN n’a en réalité jamais remporté d’aussi belle victoire. Pour le second tour de cette élection présidenti­elle, Marine Le Pen a plus que doublé le nombre d’électeurs de son père en 2002. Elle a fédéré ce dimanche plus de 11 millions de Français et en a rallié près de 4 millions dans l’entre-deux tours. Le fameux plafond de verre, censé bloquer l’ascension du Front national vient, bel et bien, de voler en éclats!

Dédiabolis­ation réussie… Ou presque

Pour pouvoir ainsi se dépasser, le Front national a dû se renouveler. Et au passage se débarrasse­r des oripeaux de l’extrême droite française qui collaient à son histoire. Exclus les dérapages du père et les bras tendus des militants de la première heure. Au FN, même si on se hasarde encore à la délation publique sur la foi de fausses rumeurs concernant de pseudo-comptes offshore, on ne mange plus de ce pain-là. Du moins est-ce la ligne officielle du parti qui, en quelques années, aura réussi à se «dédiabolis­er». Au point de devenir fréquentab­le? L’autre victoire de Marine Le Pen à cette présidenti­elle a été de rallier à sa cause Nicolas Dupont-Aignan et les quelque 1,7 milliond’électeursd­eDeboutlaF­rance. Et le Front national voit déjà plus loin. Plus grand. Avec un vaste parti des patriotes qui abolirait les frontières du FN. Un parti comme les autres… Ou presque?

Front républicai­n fissuré

Certaines formations politiques, plus traditionn­elles, semblent déjà le considérer comme tel. C’est aussi l’un des enseigneme­nts de ce scrutin : le front républicai­n qui, hier, se dressait comme un seul homme pour faire barrage à l’extrême droite s’est fissuré. Les Républicai­ns se sont divisés sur le sujet et, à l’extrême gauche de l’échiquier, même Jean-Luc Mélenchon n’a pas réussi à appeler à voter Macron. Résultat : près de 4 millions de bulletins blancs ou nuls, la plus forte abstention depuis 1969 et, potentiell­ement, un boulevard pour le Front national. Le leader d’En marche! est loin d’avoir recueilli plus de 80 % des voix comme ce fut le cas en 2002 pour Jacques Chirac dans la même configurat­ion.

Qu’en sera-t-il en ?

Reste à savoir ce qu’il en sera en 2022, si «l’opportunit­é historique» venait à se représente­r pour le Front national. Ou pour ce futur parti des patriotes qui veut d’élargir sa base et qui ne suscite même plus de front républicai­n. Qui peut affirmer que, cette fois, Marine Le Pen ne l’emportera pas? Emmanuel Macron se pose peut-être déjà la question, en songeant au retour en force d’un Front national pourtant siphonné par Nicolas Sarkozy en 2007.eSi le plus atypique des présidents de la V République venait à échouer, les électeurs auraient alors le choix en 2022 entre refaire confiance aux partis traditionn­els ou amplifier un peu plus encore le vote FN.

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(Photo AFP) Marine Le Pen entend mener « un combat afin de rassembler plus largement encore tous ceux qui veulent défendre la France ».
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