Retour vers le futur ?
« Une longue rue jalonnée de nombreuses terrasses, où il se passe toujours quelque chose ». C’est ainsi que les visiteurs du début du XXe siècle décrivaient l’artère aujourd’hui dénommée PierreSémard. Une centaine d’années plus tard, c’est cet art de vivre que les Toulonnais ont retrouvé. Une cure de jouvence en forme de pari vers l’avenir. Pari en passe d’être gagné, si l’on en juge par l’affluence de ce premier week-end.
Une longue histoire
Si le terme de « rue des arts » est largement mis en avant, la dénomination officielle demeure bien « Pierre-Sémard », en hommage à ce communiste résistant, fusillé en 1942. Un changement d’appellation a bien été envisagé, un temps, mais le projet a été abandonné. « Après tout, dans “Sémard” ,ilya“art” », plaisante-t-on aujourd’hui dans le quartier. Il faut dire que la rue a déjà suffisamment changé de nom. « Cinq fois depuis 1573 »,a compté l’historienne Évelyne Maushart, qui vient justement de publier un riche ouvrage consacré aux rues et ruelles du centre ancien de Toulon(1). Certes, on est loin du record de la rue JeanJaurès (quatorze appellations en un peu plus de quatre siècles), mais tout de même… En 1573, lorsque cette rue a été percée elle prend le nom de Saint-Sébastien, en référence à la chapelle voisine. Forcément, cette évocation religieuse passe mal au moment de la Révolution. On la baptise alors « rue Salpêtre » (minéral très employé en temps de guerre) puis rue du 14-Juillet… Machine arrière durant le Ier empire, l’artère retrouve son nom originel en 1805.
Éternel canon
Juste avant la proclamation de la IIIe république, en 1869, nouveau changement. Cette fois, l’artère prend le nom de « Rue du Canon». Référence à la bouche à feu installée à son extrémité ouest. Si l’origine de l’arme reste sujette à controverse, son utilité est claire : le canon protégeait la corniche du mur des moyeux installés sur les voitures à cheval. Le terme restera. Même audelà de 1946, quand l’artère prend finalement le nom de Pierre Sémard. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à demander aux milliers de militaires de carrière ou appelés passés par Toulon dans l’après-guerre. Limite nord du sulfureux quartier Chicago, la rue du Canon est restée symbole de plaisirs et d’excès en tous genres jusque vers la fin des années 1970. Avant un purgatoire de trente ans et une métamorphose artistique. 1.Toulon, le centre ancien, ses rues ses places. D’Évelyne Maushart. Éditions Mnemosis.