NOS TRÉSORS
E- est le nom énigmatique d’une maison conçue entre les deux guerres à Roquebrune-Cap-Martin par un couple d’architectes visionnaires Eileen Gray et Jean Badovici qui cherchaient un site où passer les vacances
E-1027, c’est le nom d’une drôle de maison, véritable icône de l’architecture moderne, construite entre 1926 et 1929 au Cap-Martin par deux designers de génie, Eileen Gray (1878 - 1976) et Jean Badovici (1893-1956). Un nom aussi énigmatique que symbolique puisqu’il unit dans une oeuvre d’avant-garde, la grande créativité des constructeurs, soit E pour Eileen, puis suivant le rang de chaque lettre dans l’alphabet, 10 du J de Jean, 2 du B de Badovici et 7 du G de Gray. Ce qui démontre, si la construction n’y suffisait pas, leur exceptionnel imaginaire. En 1927, grâce à des clients comme le couturier parisien Jacques Doucet et à ses collaborations avec de grands galeristes à Paris et Monte-Carlo, l’Irlandaise Eileen Gray est une décoratrice reconnue et fortunée. Quant à Jean Badovici, architecte roumain il est, avec Le Corbusier, le représentant du mouvement de l’Architecture Moderne. Une architecture « vivante » avec des maisons qui suppriment les murs pour devenir de grands «espaces à vivre».
Une maison «pilote » de l’Architecture Moderne
Fidèle aux théories de l’Architecture Moderne, E-1027 aérée, presque éthérée en respecte les cinq points de base: pilotis, toit-terrasse, fenêtre en longueur, plan libre - autrement dit suppression des murs pour libérer l’espace - et façade ouverte. D’une surface de 160 m2, elle comporte un rez-de-chaussée surélevé et un étage de soubassement. L’aménagement intérieur et le mobilier imaginés par Eileen sont réalisés dans des matériaux modernes et légers: celluloïd, câble acier et tendeurs, fibro-ciment, aluminium et tôle ondulée ripolinée. Un mobilier innovant pour tout ranger dans un minimum de place, grâce à une liberté de disposition et une simplicité d’utilisation : glissement, pivotement, rotation, adjonction, évidement, encastrement, pliage… autant de manipulations esthétiques au croisement de la sculpture et de l’architecture.
La touche Le Corbusier
Au grand dam d’Eileen qui tenait aux murs blancs unis de E-1027, Le Corbusier qui y séjourna plusieurs fois, a pris la liberté d’y créer d’immenses peintures murales. Après le décès de Jean en 1956 et différents propriétaires, laissée à l’abandon dans les années 90, la villa était très dégradée lors de son rachat par le Conservatoire du littoral en 1999. Sa restauration et la restitution de son mobilier a permis de préserver cette oeuvre unique qui est ouverte au public depuis 2015. Éloignée de la route et peu copiée, elle est restée quasiconfidentielle jusqu’à son classement au titre des monuments historiques le 29 mars 2000.
Sources : « Maison en bord de mer », d’Eileen Gray et Jean Badovici. Numéro spécial de l’Architecture vivante, Paris, Albert Morancé, 1929. Éditions Imbernon, réédition 2015. Documents du Conservatoire du Littoral et E-magazine du Patrimoine, conseil départemental 06.