: Thermes de rêve à Monte-Carlo
Au milieu du XIXe siècle, la Principauté de Monaco connaît une mutation considérable. De Principauté agricole qu’elle était avec ses plantations d’oliviers et d’agrumes qui s’étendaient jusqu’à Menton, elle est devenue un pays de casino et de tourisme aristocratique, tout en ayant perdu en 1848 les villes de Menton et de Roquebrune qui étaient rattachées à elle. Le prince Charles III crée Monte-Carlo (le « Mont Charles ») et fait sortir de terre son Casino et son Hôtel de Paris. Les journaux de toute l’Europe s’intéressent à cette métamorphose. Le grand magazine parisien l’Illustration envoie son journaliste Mery. Aussitôt arrivé en Principauté, celui-ci tombe en extase devant l’établissement thermal qui s’est ouvert en 1860, sur le port de Monaco, dans le quartier de la Condamine, au bord de l’eau : «Le premier établissement qui frappe les regards de l’étranger est l’édifice des bains de Monaco. Sa position est charmante au fond du golfe, qui est le port naturel de Monaco, et dont les eaux limpides sont sans cesse renouvelées dans le mouvement qui les refoule vers la haute mer. Une forêt de citronniers et d’orangers envoie aux baigneurs ses effluves de parfum, et des montagnes circulaires à pic les protègent contre les vents. Au mois de janvier, la température des bains de Monaco est aussi élevée que celle de notre Océan au mois d’août… »
Un environnement luxuriant
On a peine à imaginer aujourd’hui un environnement aussi luxuriant en un endroit où les constructions n’ont cessé de s’élever, depuis le XIXe siècle, autour du port. Le journaliste de L’Illustration insiste : « Rien ne peut donner une idée charmante de ce paysage qui se déroule jusqu’à Menton avec une succession de bois d’orangers, d’oliviers, de caroubiers, de lentisques, de chênes-lièges où se cachent des maisonnettes aux tuiles rouges, des villas élégantes, des fermes agrestes et de petits jardins ». Bien sûr, tout cela a disparu. Le Casino et l’Hôtel de Paris ont été construits à Monte-Carlo à la place des espaces de nature qui s’y trouvaient. « Sur le point culminant, hier encore désert comme un roc de l’Afrique, s’élève un Hôtel de Paris qui pourrait être l’un des premiers dans la grande ville dont il porte le nom. Tout ce que la fantaisie du gastronome peut demander dans ses exigences, on le trouve dans cet hôtel avec le luxe qui ne gâte jamais rien. De nouveaux hôtels vont bientôt s’élever dans le voisinage du Casino. Le chantier est ouvert sur des champs d’oliviers cinq fois séculaires, qui ont dû céder leurs places aux habitations. L’huile ne manquera pas mais on a craint de voir les maisons manquer car on signale déjà vers l’horizon de Nice l’arrivée de ce grand civilisateur qui peuple les déserts et rend habitable le néant : le train ».
Monaco, « le jardin d’hiver de tous les riches »
L’arrivée du train ! Voilà la révolution touristique attendue par Charles III et par le directeur de la Société des Bains de mer, François Blanc. Ils espèrent que grâce au chemin de fer, le gotha de l’Europe va venir en Principauté. Depuis la construction du Casino de MonteCarlo, François Blanc allait chercher les joueurs en voiture à cheval en gare de Cagnes-sur-Mer ou de Nice. Bientôt, ils pourront arriver en train à Monaco même. L’Illustration pressent un avenir florissant : « L’an prochain, Nice et Monaco pourront causer entre voisines. En dix minutes, la locomotive franchira l’espace qui sépare le quai Masséna du Casino de Monaco… » L’Illustration constate d’ores et déjà : « Monaco est devenu le jardin d’hiver de tous les riches et frileux Européens ». Ce qui, au fond, est un peu restrictif : il n’y a pas que les frileux, pour fréquenter la Principauté !