Var-Matin (Grand Toulon)

Nuit debout Ca va être du grand n’importe quoi ”

- MATHIEU FAURE

Il régnait une ambiance irréelle dans les couloirs du Louis-II, mercredi soir. L’enceinte monégasque s’est plutôt bien tenue. Aucune folie. Celle-ci s’était déplacée sur la pelouse et plus tard, très tard dans la nuit, sur le Rocher. Les derniers survivants ont fermé les boutiques vers six heures du matin. « Le noyau dur est resté jusqu’au bout, Suba, Valère, Mendy, Nabil, Baka, Bernardo, avance Bachir Nehar, l’intendant du club qui a connu l’épopée de 2004 mais aussi la relégation en 2011. Après le stade, on s’est tous retrouvé au Sass (célèbre lieu nocturne du Rocher). Le patron de l’établissem­ent avait décoré le lieu aux couleurs de l’ASM avec le maillot de tous les joueurs en guise de décoration. Tout le monde a joué le jeu puisqu’on était une grosse centaine. Les joueurs, le staff, la direction, les familles. On avait une salle privatisée et on avait ce besoin de décompress­er après une telle saison. C’était le moment de lâcher les chevaux ». Après ce moment festif, les plus téméraires ont pris la direction du Twiga, un club appartenan­t à Flavio Briatore. Les chants ont retenti comme un délicieux «Lalalalala Bakayoko » de toute beauté. Pendant plusieurs heures, la Principaut­é Tiémoué Bakayoko a vibré mais la jeunesse dorée avait prévenu. « Ça va être n’importe quoi », balance Tiémoué Bakayoko, tee-shirt relevé sur son torse imposant, en quittant le stade. Frustré - pour ne pas dire plus - de ne pas avoir joué une seule minute le match du sacre, le milieu de terrain a mis du temps à se lâcher au coup de sifflet final mais une fois pris dans la joie collective, «Baka» est parti comme une fusée. En même temps, il fallait suivre le GO du groupe, Benjamin Mendy, pile sur jambes et habitué de la vie nocturne partout où il passe. Dès la fin du match, l’homme a tout filmé en direct avec son smartphone. Il n’était pas le seul. C’est d’ailleurs l’une des nouveautés ou l’un des reproches du football moderne. Aujourd’hui, chaque cérémonie de remise de trophées s’accompagne de smartphone­s tendus. À tel point qu’un titulaire du club est en train d’envoyer un SMS sur la photo de Une de nos confrères de L’Equipe, hier. Dans cette folie numérique, Kylian Mbappé fait encore figure d’OVNI. À 18 ans, le premier buteur du soir a profité de l’instant présent sans le moindre téléphone. Plus loin dans les couloirs du Louis-II, des journalist­es attendent les Monégasque­s en zone mixte pour recueillir les premières impression­s. Le temps presse et les horaires de bouclage se rapprochen­t. Dans la folie de l’instant, on se retrouve à converser avec Benjamin Mendy sur Twitter pour l’inciter à venir nous rejoindre. Sa réponse lui ressemble. Folle. C’est d’ailleurs lui qui sonnera la charge aquatique qui va s’abattre sur Leonardo Jardim en conférence de presse. Le coach portugais n’a pas le temps de finir sa première réponse que l’intégralit­é de son effectif déboule et l’arrose. Forcément, les téléphones portables des joueurs n’en ratent pas une minute. Surnommé « El Tactico» par Mendy en référence au « El Loco » de Marcelo Bielsa, le coach portugais se lâche pour la première fois. Il est ému. Mendy, lui, retrouve vite sa joie de vivre communicat­ive. En caleçon et chapeau de paille sur la tête, il répond très sérieuseme­nt à une question sur la suite de la soirée : « J’ai dit aux gens que j’allais me coucher mais personne ne

J’ai dit aux gens que j’allais me coucher mais personne ne me croit ” Benjamin Mendy

me croit ». L’homme croque la vie à pleines dents et en reste attachant. D’autant qu’il a été l’un des meilleurs Monégasque­s contre Saint-Etienne où ses allers-retours ont encore fait des ravages. Et l’un des meilleurs lors de la troisième mi-temps, son autre spécialité. Mais certains se sont révélés. La grande ouverte sur le torse de Bernardo Silva en fin de soirée n’est pas passée inaperçue. Une fête rythmée au son du fameux «On n’est pas champion nous ? », un gimmick détourné de la chanson de Camro « On ne danse pas nous ». Évidemment, une nuit comme ça laisse des séquelles. Le staff technique avait prévu le coup et annulé l’entraîneme­nt qui devait avoir lieu hier. A la place, de nombreux joueurs se sont retrouvés chemise au Nikki Beach pour se détendre et passer du temps ensemble. Mais pas Kylian Mbappé qui, de son côté, a été présenter le trophée de champion de France à sa ville natale de Bondy, en SeineSaint-Denis, où il était attendu par les gamins du coin, fans absolus du joueur. Les Monégasque­s ne vont retrouver la Turbie, pour l’ultime entraîneme­nt de la saison, que cet aprèsmidi. Mais jusqu’à dimanche et l’apothéose avec la réception au Palais, le club va profiter. Nehar encore : « J’ai connu 2004 mais aussi la relégation en 2011. Un titre de champion, il n’y a rien de plus beau. On ne sait pas ce que réserve demain alors il faut profiter de chaque moment jusqu’à la fin de saison. Faire durer l’instant le plus longtemps possible car dans peu de temps, on sera tous nostalgiqu­es de cette aventure ». C’est sans doute l’état d’esprit qui habitait déjà Morgan De Sanctis, mercredi soir. À 40 ans, le gardien remplaçant a vécu beaucoup de choses dans sa carrière débutée en 1994. A 1h30 du matin, il était seul, posé sur un banc en face de l’entrée principale du stade Louis-II en train de répondre à des SMS le félicitant pour son titre. Les rues étaient vides. C’était calme.

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