Le style est l’homme
Par
DENIS JEAMBAR
On peut sans grand risque d’erreur appliquer à la politique la fameuse phrase de Buffon à propos de la littérature : « Le style est l’homme. » Ainsi, depuis une semaine, par son style, Emmanuel Macron montre un peu de l’individu qu’il est et du président qu’il entend être. Lancé dans un exercice complexe d’équilibrage politique, piochant à droite, à gauche, au centre et ailleurs pour recomposer la vie publique, il n’a commis jusqu’à ce vendredi aucun faux pas. La semaine était pourtant délicate. Comment allait-il accoucher d’un gouvernement rompant avec les habitudes de la Ve République ? Il l’a fait sans trembler et d’une main de maître. Cette maestria en dit long sur son savoir faire et son personnage. Premier enseignement : Emmanuel Macron n’est pas du genre bavard. Il a compris que la parole n’est forte que si elle est rare. C’est une rupture avec son prédécesseur, bavard impénitent au point d’avoir donné le sentiment au fil des ans de consacrer plus de temps aux journalistes qu’à ses collaborateurs. Macron aime agir en silence. Pas la moindre déclaration sur son équipe ministérielle. Rupture aussi avec le style Sarkozy et cette manière qu’avait l’avantdernier président d’exprimer son énergie par un excès d’agitation. Emmanuel Macron a choisi de solenniser ses interventions et de ne pas les multiplier. Un président doit susciter du désir. Il naît de la conjugaison d’une parole rare et d’une présence contrôlée. Approche d’autant plus nécessaire qu’avec % seulement de confiance, il dispose du capital de départ le plus maigrelet depuis ! Sa stratégie relève évidemment de l’observation du passé mais aussi d’un art consommé de la communication. Elle est à la fois réfléchie et révélatrice de la personnalité du nouveau chef de l’Etat. Il entend être, comme l’a déclaré Christophe Castaner, le porte parole du gouvernement, « maître de son tempo. » C’est légitime. Recommandé même. Mais faut-il, pour cela, devenir le donneur d’ordre des médias et désigner, comme il l’a fait pour son déplacement hier au Mali, les journalistes autorisés à l’accompagner ? Le style, ici, dévoile l’homme, une autorité proche de l’autoritarisme, une fermeté qui s’apparente à de la férocité et, surtout, une confusion inquiétante entre communication et information. Pas plus que Donald Trump à Washington, Emmanuel Macron ne peut choisir ses « journalistes » ! Nombre de directeurs de rédaction et de sociétés de rédacteurs se sont, à juste titre, émus de cette attitude sans précédent. Si elle devait se confirmer, elle traduirait un mépris avéré pour la liberté de la presse. Le nouveau président ne peut, dans sa volonté de remettre en cause comme il le dit « le système », s’en prendre à une liberté fondamentale gravée dans la constitution. Même si cette liberté ne lui sied guère. Puisse-t-il le comprendre.
« Le style, ici, dévoile l’homme, une autorité proche de l’autoritarisme, une fermeté qui s’apparente à de la férocité »