L’OEIL
Sandrine Kiberlain, qui préside cette année le jury de la Caméra d’or, a visiblement été très touchée jeudi soir par la présentation de Sea Sorrow (Douleur de la mer). Ce film sur les migrants a poussé sa réalisatrice, la comédienne britannique Vanessa Redgrave, à se plonger à 80 ans dans la Jungle de Calais, aujourd’hui démantelée. Les témoignages se succèdent, mais aussi les références au déplacement de civils pendant le bombardement de Londres en 1940. Et même à la figure tutélaire de Shakespeare, dont des textes, d’une actualité troublante, sont lus par Emma Thompson ou Ralph Fiennes. Tous réfugiés, tous en quête de la paix, et ce fil rouge de Vanessa Redgrave rappelant combien il faut du courage pour fuir son propre pays. Un regard touchant sur une vie de galère.Voilà comment pourrait être résumé en quelques mots Sans adieu ,le documentaire posthume présenté hier à la MJC Picaud en collaboration avec l’ACID. Son auteur, Christophe Agou, photographe de métier, est mort en 2015 quelques mois avant la fin du montage de son film. Originaire du Forez, le New-Yorkais d’adoption a cherché à présenter le quotidien de Français comme on en fait plus.Tous paysans de cette fameuse « France profonde », ils semblent vivre à mi-chemin entre le XXe et le XXIe siècle. Comme le dit si bien Pierre Vinour, le producteur du film, « ce sont des personnes qui ne se sentent plus aux manettes de leur destin ». Comme si une force extérieure et indépendante s’amusait d’eux sans la moindre considération. Mais là ou le film devient tout à fait admirable, c’est par la réaction de ces personnes face à cette société qui tente de les ostraciser. Chacun, à sa manière, cherche à combattre cette injustice, à contester ce système qui semble les avoirs oublier. Bref, relever la tête, tout simplement. Comme par exemple Claudette, 75 ans, qui se retrouve à « marchander » avec des assistantes sociales qui semblent complètement déconnectées de ses préoccupations. Ces magnifiques récits de vie sont appuyés par une mise en scène de Christophe Agou toute en discrétion et en empathie. Comme le regard d’une mère peinée de constater les déboires de ces enfants. L’autre gros point fort du film est sa bande-son, qui s’apparente presque à une caresse auditive. Composée par Stuart Staples, leader du groupe britannique Tindersticks, la musique enveloppe le film dans une ambiance onirique qui se met parfaitement au service de ses protagonistes et de ce qu’ils vivent. Bref, ce film est à voir impérativement et apporte un peu de douceur à cette 70e édition. Une réussite.