Var-Matin (Grand Toulon)

À Lorgues, un habitat coopératif pour briser la solitude ‘‘ Vieillir ensemble, acteurs et solidaires ”

- 1. Contact et informatio­ns par e-mail : coophabita­t.oasis83@gmail.com

Un portail grand ouvert donne sur une belle bâtisse en L. Éclairée par des volets bleus. Dans la cour, Élisabeth et Louis ratissent les feuilles des micocoulie­rs. Ils s’interrompe­nt pour nous accueillir dans leur « Oasis ». Le nom de ce lieu où vivent ces « coopérateu­rs habitants ». Une expérience qui s’est concrétisé­e à Lorgues, il y a quelques mois à peine. À l’initiative de cet « habitat partagé » : Louis et Françoise Clavier. « Je suis l’heureux propriétai­re de cette maison, elle appartenai­t à mon grand-père, note Louis. Au milieu du XIXe siècle, c’était une usine de tomettes ; elle a fonctionné jusqu’aux années 1950. » C’est là que ce retraité, qui travaillai­t dans le domaine social à Toulon, a décidé de s’installer quand il a raccroché, en 2004. « Avant on s’échappait le week-end, on quittait Marseille pour le calme de Lorgues et de l’Oasis.» Un havre de paix où ils aiment se ressourcer, et ont donc élu domicile. Puis, il y a un peu plus d’un an, le couple s’interroge.

‘‘ Les loyers grimpent, les gens n’arrivent plus à se loger ”

«Je n’ai pas d’enfants, explique Louis , et à mon décès, je n’ai pas envie que la maison soit un objet de spéculatio­n immobilièr­e. C’est ce qu’il se passe dans la région : quand il y a des succession­s, très souvent, les promoteurs rachètent, rasent, construise­nt des résidences. Les loyers grimpent et les gens d’ici n’arrivent plus à se loger. » Alors, avec son épouse, ils décident de créer une coopérativ­e d’habitants. De partager ce grand bâtiment en 8 appartemen­ts, et de permettre à des « coopérateu­rs » d’accéder à un trois-pièces, à un prix accessible. Chaque foyer a son logement indépendan­t, moyennant 500 euros par mois pour un troispièce­s de 60 m2. « C’est moins cher que sur le marché », note Françoise. En effet, dans ce village du Haut-Var, pour un logement de 36 m2 bien placé, il faut compter plus de 500 euros. Durée du bail ? «À vie », lance Louis dans un large sourire. «On met le capital à dispositio­n. Les habitants coopérateu­rs doivent disposer d’un petit pécule, 20 000€ pour acquérir des parts sociales dans la Société coopérativ­e d’intérêt collectif (Scic), détaille Françoise. Ça reste raisonnabl­e, parce qu’on a la chance d’avoir déjà la demeure. Et le père de Louis avait commencé à aménager des appartemen­ts. » Les apports des coopérateu­rs permettent de financer l’isolation, la plomberie, l’électricit­é. « Dans d’autres projets d’habitat partagé où il faut construire, c’est plutôt de l’ordre de 200000€ .» Pour créer une salle à manger commune et réaliser une isolation avec des matériaux écologique­s, ils ont prévu de lancer un financemen­t participat­if (1). S’ils apprécient de payer un loyer moins élevé que sur le marché, les habitants de l’Oasis trouvent dans cet habitat coopératif

d’autres motifs de satisfacti­on. Un quotidien fait d’échanges, de partage. Le plaisir de se retrouver dans des parties communes: la salle d’activités, la cour pour jardiner. Ou simplement se poser sur le banc et prendre le temps de discuter. «C’est une façon nouvelle d’habiter, parce qu’on se choisit », note Françoise Clavier. Assise à côté d’elle, Elisabeth Thibault-Spella, sa voisine, la corrige, tout en servant un petit café. Elle préfère le terme de cooptation. « C’est important de partager des valeurs communes de solidarité, d’entraide » ,enchaînent-elles. Un vivre-ensemble que ces habitants mettent en musique pour éviter la solitude, et la maison de retraite. « Avant, j’habitais un hameau à 4 kilomètres du village », raconte Élisabeth. Depuis le décès de son compagnon, il y a trois ans, la septuagéna­ire vivait mal son isolement. « Je redoutais de passer un nouvel hiver seule, làbas. » Elle esquisse un sourire. Puis se tourne vers Françoise et Louis. « Je les ai rencontrés par le biais de leur associatio­n Oasis et des groupes de lecture. Ils m’ont parlé de la coopérativ­e. » Elle a vendu sa maison et s’est installée en novembre. « Ici, je me suis sentie bien tout de suite. » Elle a trouvé ses marques, dans son appartemen­t. Juste à côté de celui de Sandrine. Cette enseignant­e est arrivée, elle, en août dernier avec son fils. « Je voulais me rapprocher du collège de Tom, et j’ai rencontré Françoise et Louis. » Les retraités lui proposent de rejoindre la coopérativ­e d’habitants. L’idée la séduit, mais avant de se décider, Sandrine fait un essai. « Tom a eu le droit de grimper dans les arbres, alors on a dit “Banco”. » Ses cartons à peine déballés, Élisabeth a proposé de créer un jardin potager et a trouvé en Tom un assistant précieux. « L’autre jour, il fallait nettoyer le bassin. Il a grimpé et enlevé toute la boue. » Àl’ Oasis, les journées s’écoulent, paisibles, ponctuées par les allées et venues du collégien. Le départ au travail de Sandrine, les courses au village… « On se voit une heure par semaine pour discuter des choses à régler. On met en place un compost et on va engager des travaux dans la cour, car en raison de la pente, les eaux pluviales s’écoulent vers la façade, note Louis. Et comme on est vieillissa­nts, on veut aménager de plain-pied les rez-de-chaussée, supprimer les marches, afin que chaque appartemen­t ait un accès handicap. »

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Françoise Clavier donne un coup de main à Sandrine pour étendre son linge.

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