Var-Matin (Grand Toulon)

NOS TRÉSORS

- ANDRÉ PEYREGNE

■ La vallée des angoisses, tableau exposé au musée d’Art de Toulon, sans doute peint dans les gorges du Verdon, reflète le tourment du peintre toulonnais Vincent Courdouan, délaissé par le succès et abandonné par son épouse après leur voyage de noces.

La vallée des angoisses : tel est le titre inquiétant d’un des plus beaux tableaux du musée d’Art de Toulon, dû au peintre toulonnais du XIXe siècle Vincent Courdouan. Le musée d’Art, installé depuis 1888 dans le grand bâtiment de style Renaissanc­e italienne qui se dresse sur le boulevard Maréchal-Leclerc, a acquis cette oeuvre en 1859, lorsqu’il se trouvait dans le bâtiment de l’ancien évêché, près de l’actuel cours Lafayette. Qui est Courdouan ? Un aquarellis­te distingué, fils d’un maréchal-ferrant toulonnais, né lui-même à Toulon en 1810, dans sa maison familiale située à l’orée de l’actuelle rue qui porte son nom, près de la porte d’Italie. Son pinceau a su capter la lumière et les couleurs des paysages de notre région. Il a su aussi exprimer les tourments du peintre. C’est le cas ici avec cette Vallée des angoisses, avec ses parois rocheuses aux couleurs sombres. On n’y passerait pas la nuit ! Un ruisseau aux reflets obscurs se fraie un passage au fond de la gorge. Au-dessus, un orage menace. Des ombres fantomatiq­ues se dessinent sur les rochers de gauche, tandis qu’à droite s’étalent des traces aux couleurs sanguinair­es. Sur le sentier, un muletier se hâte. Il n’a pas besoin de parler, on devine qu’il est inquiet. On ne serait pas surpris de voir surgir, tout à coup, un bandit de grand chemin de derrière les rochers – comme il y en avait beaucoup à l’époque. Le tableau n’a pas été peint sur une toile, mais sur une surface en bois. Ses aspérités donnent un grain en relief à la roche. Échec à Paris Quel coin de Provence Courdouan a-t-il peint ? On l’ignore. Brigitte Gaillard, conservatr­ice en chef du musée d’Art de Toulon, estime qu’il pourrait se situer vers les gorges du Verdon. Vincent Courdouan séjournait en effet beaucoup à l’époque à Moustiers-SainteMari­e, dans la résidence du président du tribunal de Toulon, Victor Clapier. C’était l’époque où sa vie l’accablait. Il était revenu de Paris, où il avait essayé de tenter sa chance dans les milieux artistique­s, mais n’avait pas eu le succès escompté. Malgré son amertume, il n’en avait pas moins connu la réussite dans notre région et avait pris sa place au sein d’une école provençale, où l’on trouve aussi des Toulonnais comme Cauvin, Guérin, Pezous, Baboulène - dont plusieurs oeuvres sont au musée d’Art de Toulon. La vie sentimenta­le de Courdouan était en revanche un naufrage : il s’était marié avec une de ses élèves beaucoup plus jeune que lui, qui l’avait quitté au retour de leur voyage de noces. À cette époque romantique, les artistes – écrivains, musiciens, peintres – exprimaien­t leurs états d’âme dans leurs oeuvres. Cette Vallée des angoisses le rappelle.

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(Photo DR)

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