Àp leines dents!
C’est un peu la fille qu’on voudrait avoir comme meilleure copine. Nature peinture, super sympa, un rire tonitruant. Communicatif. La joie de vivre incarnée. En août dernier, à Rio, Émilie Andéol est devenue championne olympique. C’était le même jour que le géant Teddy Riner, et tout le monde garde pourtant en mémoire ces larmes de décompression sur le podium, pleines de joie sincère et de bien d’autres choses, qui avaient ému le pays à la télévision. Hier soir, la Bordelaise a accepté, pour le plus grand bonheur de Michel Abran, d’être la tête d’affiche de prestige de la 41e Nuit des Arts martiaux, à Hyères. Une poignée d’heures avant d’entrer en piste, cueillie à l’aéroport à sa descente de l’avion, elle s’est assise sur un muret pour répondre à nos questions. À la cool, bien sûr. Comment allez-vous ? Ça va nickel. Je suis restée un mois sans activité pour bien soigner mes genoux, parce que j’ai de l’arthrose. Je reprends tout doucement l’entraînement pour retrouver mes automatismes. Fin juin début juillet, on entrera dans le dur, pour être prête pour les championnats du monde en septembre.
Qu’est ce que ça change, dans la vie, un titre olympique ? Moi je n’ai pas changé. J’ai été élevée comme ça, simplement, sans prise de tête. Et je suis comme avant. Pour moi, les Jeux, c’était un aboutissement, mais pas une raison de prendre la grosse tête. Après, niveau sollicitations, ça change, c’est sûr. On me reconnaît plus souvent, j’ai rencontré du beau monde. Ça, ça fait plaisir, d’autant que j’en ai fait profiter ma famille (rires). Et sur le tapis, aussi, ce n’est plus du tout la même chose. On m’attend, j’ai beaucoup plus de pression, que ce soit par rapport aux journalistes, aux adversaires... Ce n’est plus pareil.
Comment avez-vous vécu ce nouveau statut ? Je n’ai pas réalisé tout de suite. Les deux premiers jours après mon titre, tous les sportifs de l’équipe de France n’arrêtaient pas de me féliciter. C’était sympa. Et puis c’est un peu retombé. Normal. Mais c’est vraiment quand je suis descendue de l’avion, en France, que j’ai compris que je n’étais plus une athlète parmi d’autres. On a eu la journée média, et j’ai dit à Clarisse (Agbegnenou) : « Je suis fatiguée, je n’ai pas dormi dans l’avion, je vais me reposer ». On m’a répondu : « Euh non, Émilie, désolée. » Je me suis dit : « Bon, c’est pas grave, je ferai la sieste après. Avant d’aller à l’Élysée. » Je n’ai jamais eu le temps. Et quand je suis arrivée chez moi, je suis sortie du taxi, et mes voisins ont applaudi. Là, j’ai commencé à prendre conscience que ce n’était pas passé inaperçu. Toute la semaine, j’ai répondu aux journalistes. Tous les jours. Au début, j’avoue que c’était un peu bizarre, un peu fatigant, tout cet engouement. Le téléphone n’arrêtait pas de sonner. J’avais hâte de rentrer chez moi pour fêter la médaille avec mes proches.
Qu’avez-vous fait de votre médaille, d’ailleurs ? Je l’ai fondue, mais malheureusement il n’y a que la première couche qui est en or (éclat de rires) ! Non, j’ai préféré la poser dans un coffre. Au début, je voulais la laisser chez mes parents, mais en fait elle n’est chez personne. Je ne veux pas prendre le risque de la perdre ou de l’abîmer. Elle est super fragile.
Tout le monde se souvient de vos larmes sur le podium... Oui. Encore hier, je suis allée au marché, quelqu’un m’a arrêtée et m’a dit : « Oh, c’est vous la fille qui pleure ! » C’est comme ça que les gens se souviennent de moi (rires). Bien sûr, il y a le titre. Mais à la base, on ne va pas se mentir, les gens étaient venus pour la finale de Teddy (Riner). Et puis j’ai ressenti tellement d’émotion que tout le monde a vibré avec moi pendant La Marseillaise. C’est le plus beau souvenir de votre carrière ? Je ne vais pas dire l’inverse (rires). Quand j’ai gagné les championnats d’Europe, je pensais que c’était le plus beau jour de ma vie. Mais là... La journée avait été compliquée, mais j’ai réussi à me transcender jusqu’au bout. En plus, une partie de ma famille avait fait le déplacement, notamment ma mère qui ne vient jamais aux compétitions à l’étranger. Il y avait aussi mon professeur de toujours, de mon petit club de Marcheprime, où j’ai démarré, en Gironde, et qui m’appelle avant chaque compet’. C’était vraiment la journée parfaite.
Quels sont vos objectifs, désormais ? J’aimerais avoir tous les titres majeurs. J’ai été championne d’Europe et championne olympique. Alors j’aimerais bien être championne du monde.
La fille qui pleure. C’est comme ça que les gens se souviennent de moi” Je ne suis plus pressée”
Et participer aux prochains Jeux, à Tokyo ? C’est dans un coin de ma tête. Mais je prends année après année, et surtout, maintenant, mes genoux rentrent malheureusement dans l’équation. Du coup, je vais faire plus attention, et prendre davantage mon temps. Je ne suis plus pressée.
Espérez-vous que Paris obtienne les Jeux en ? Bien sûr ! En , même si j’espère oeuvrer encore dans le judo, je n’y serai pas en tant qu’athlète. Mais n’importe où, les Jeux, c’est magnifique. Alors à la maison, ce serait encore plus beau ! Si la future génération pouvait avoir la chance de vivre ça, il ne faut pas s’en priver.