Var-Matin (Grand Toulon)

«Ne pas sacrifier la coupe Davis»

- PROPOS RECUEILLIS PAR TONY DAVID

ui, c’est le nouveau DTN de la Fédération Française de tennis. Le nouveau responsabl­e des équipes de France, du haut-niveau et de la formation pour les quatre prochaines années. Inconnu du grand public, Jean-Luc Cotard a été choisi au début du mois pour succéder à l’ancien joueur Anaud Di Pasquale. Natif de Paris, mais « Varois de coeur » (il habite avec sa femme à Roquebrune-surArgens), cet ancien entraîneur au Creps de Boulouris a pris de longues minutes dans son emploi du temps chargé pour évoquer ses projets, ses chantiers, mais aussi pour donner sa vision du tennis français actuel.

Vous n’étiez pas le plus connu des candidats. Pourquoi vous a-t-on choisi ? La connaissan­ce du terrain. J’ai dit aux CTR (conseiller­s techniques régionaux) et aux entraîneur­s : je suis l’un des vôtres. Je connais les problémati­ques, les craintes, les espoirs.

Le tennis français semble en perte de vitesse ces derniers temps. Si l’on compare au judo avec Teddy Riner… On n’a pas suffisamme­nt de champions ou championne­s assez charismati­ques pour faire rêver les jeunes. C’est ça qui nous manque terribleme­nt : une locomotive. Il ne faut pas se leurrer, c’est toujours l’élite qui fait rêver la masse, même si cette élite sort de la masse. C’est pour ça que le champion a une dette morale et il doit rendre ce qu’on lui a donné. Dans ce but, le « podium » a été créé avec Amélie (Mauresmo), Yannick (Noah), Guy (Forget), Cédric (Pioline). Ces gens qui ont gagné et qui peuvent agir.

Qu’ont-ils à donner ? Chacun peut faire un feedback sur lui-même pour savoir ce qui lui a manqué, ce qu’il a bien fait, etc. Ils travaillen­t ensemble et veulent redonner. Ces gens-là peuvent faire gagner du temps.

Avec des objectifs ? Le but, c’est de gagner la Coupe Davis, la Fed Cup, les Grands Chelems et les Jeux Olympiques. Ils sont là pour ça. C’est une institutio­n bienveilla­nte et permanente. Ils sont vraiment là pour aider.

Ils vous ont soutenu ? Oui. Un DTN, qui se coupe de cette richesse humaine n’a aucune chance. Ainsi que des élus… Il faut avoir des relations intelligen­tes. Je ne suis pas connu du microcosme, de TF, beIN Sports, L’Equipe… Mais je n’en ai rien à foutre. Grand Chelem, on te voit « potentiell­ement » vainqueur de Grand Chelem… Le mot potentiel est galvaudé. Tu as des capacités ? Alors tu vas travailler encore mieux

pour soulever la Nadal, Djokovic,

coupe, comme Amélie Murray ou l’a fait ou Marion (il montre des affiches de Federer ne Mauresmo et Bartoli dans le bureau, Ndlr). veulent pas être N°. Mais les meilleurs”

La France possède une belle génération avec Tsonga, Monfils, Gasquet, mais ne gagne pas. Pourquoi ? Cela vient d’une politique de formation de base, qui n’est pas assez ambitieuse. Il y a un départemen­t  ans qui va être opérationn­el. L’objectif c’est qu’à  ans, un garçon ou une fille maîtrise les fondamenta­ux techniques, physique, tactique, psychologi­que… Il faut qu’à - ans on soit déjà dans l’améliorati­on de la performanc­e, pour qu’à  ans on gagne des Grands Chelems juniors.

Quand on voit un joueur comme Gasquet qui gagnait tout plus jeune… (Il coupe) Je pense que c’est l’éducation du tapis rouge. Avant d’avoir gagné un Ils n’en font pas assez ? Il y a une satisfacti­on à être mondial : «Je gagne beaucoup d’argent, je suis connu, je suis dans les vingt premiers, donc ça va…» Nadal, Federer, Djokovic, Murray ne veulent pas être numéro un, mais les meilleurs. Ils sont dans le progrès permanent. Federer n’aurait pas gagné  Grands Chelems sans cet état d’esprit. Il dort dans une chambre hypoxique ! Ils se donnent les moyens, les mecs, et se paient des coachs, des structures. Nous, on n’investit pas assez.

Les joueurs français se satisfont trop de ce qu’ils font ? Oui, je pense. Même s’ils disent qu’ils veulent « péter » un Grand Chelem… On peut toujours améliorer. Mais c’est l’éducation de base. On ne devrait pas rentrer à la maison avec

Les joueurs ont une dette un lot de

envers nous. Ils doivent consolatio­n si on est

nous faire rêver” oue…Iln’y apasde place pour le perdant. On Comment expliquer que la est dans une société un peu France ne gagne pas la trop «Coubertin». Coupe Davis ou la Fed L’évolution est sauvage, tu Cup? es une proie ou tu es un On va finir par les gagner ! prédateur. Ça me semble évident. On parle de l’état d’esprit… Cela joue. Mais il faut optimiser la performanc­e aussi. Peut-on voir un Français gagner Roland-Garros ces prochaines années ? Oui. Point par point, match par match… Et en buvant de la Contrex en plus ! (rires) C’est possible. On est un peuple fier, plein de qualités, il y a plein de sport où on est monstrueux. Pourquoi pas en tennis ? Tout vient de l’éducation et de se dire « on est très forts ».

Plusieurs joueurs laissent de côté la sélection… Il ne faut pas sacrifier la Coupe Davis, ni la Fed Cup, ni les JO. Égoïstemen­t, qu’est-ce que tu peux apporter au collectif ? Sers toi de ton égoïsme pour l’équipe, et l’équipe te le rendra. Cela peut rapporter beaucoup, et pas uniquement de l’argent… C’est sûr que tout tourne autour de l’argent.

Que faut-il faire? Il faut discuter avec les joueurs. Les joueurs de Coupe Davis et de Fed Cup sont des gens exceptionn­els, on ne doit pas taper sur eux mais les protéger. Si on tape sur eux, on se tue nous-mêmes. C’est pour ça que je les protégerai toujours. S’ils déconnent, là je leur fous une tarte ! Parce qu’ils oublient leur mission, ils ont une dette envers nous. Ils doivent nous faire rêver.

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