Var-Matin (Grand Toulon)

Juste incroyable

Après la découverte fortuite de débris d’avion sur une colline dans l’ouest du départemen­t, un jeune Varois a reconstitu­é l’histoire d’une bataille aérienne qui coûta la vie à un pilote américain, dont il a aussi retrouvé la tombe. Ottaway Cornwell ne res

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À partir des restes d’un avion retrouvé par hasard, Steve Leleu a retracé l’histoire d’un pilote jusqu’alors inconnu, enterré au cimetière américain de Draguignan.

C’était des champignon­s que Steve Leleu était allé chercher dans la colline ce jourlà (1). Il est tombé sur des morceaux d’aluminium et il a très vite songé aux débris d’un avion. Quand il a trouvé des munitions, il a tout de suite compris. Cuisinier de métier, passionné d’histoire, le jeune homme, enfant, s’était imaginé archéologu­e. Le travail qu’il a accompli pour reconstitu­er l’histoire de cet avion, identifier son pilote et retrouver sa sépulture l’a rapproché de ce rêve. Sitôt sa découverte, il s’est tourné vers les anciens du village, qui lui ont confirmé qu’un crash avait bien eu lieu pendant la guerre.

Des mois de recherche dans les archives

Il s’est alors mis en quête, explorant les archives communales et départemen­tales, entrant en relation avec des spécialist­es de ce genre de recherches, des écrivains et des historiens locaux qui l’ont guidé au fil des mois dans sa longue enquête. Après trois ans de recherche et des centaines d’heures de fouilles sur le site, il a pu reconstitu­er l’histoire complète de la bataille aérienne qui coûta la vie au soldat Cornwell, mais aussi à deux de ses camarades (lire par ailleurs le récit de cette bataille). « Comme l’avion était un Spitfire, j’ai d’abord cherché dans les pertes anglaises, sans succès, résume le jeune homme. Puis sur place, j’ai fini par trouver des boucles de parachute qu’un spécialist­e a identifiée­s comme étant du matériel américain. J’ai alors appris que durant la guerre, deux escadrille­s US étaient équipées de Spitfire. À partir de là, j’ai su que je cherchais un pilote américain. Avec la date de la bataille trouvée dans les archives à Draguignan, je les ai retrouvés… » Après une demande en bonne et due forme adressée à l’armée américaine, il finit par obtenir le rapport de combat rédigé par le lieutenant Burchfield, seul survivant américain de la bataille. Parmi les trois victimes, le Premier lieutenant Cornwell et les Deuxièmes lieutenant­s Beedle et Kater, il lui reste encore à identifier celui qui pilotait le Spitfire dont il a retrouvé des restes de l’épave. Le rapport de combat précisait que l’avion du lieutenant Kater s’était abîmé au large des îles d’Hyères. Restaient Cornwell, et Beedle…

Les Américains vont venir confirmer la découverte

Ce sont les barrettes d’insigne de premier lieutenant qu’il découvre un jour sur le site, en même temps qu’une boucle de parachute, qui lui apporte un premier indice. Un fragment de crâne et un morceau de mâchoire viendront confirmer les résultats de son enquête. « J’avais déjà obtenu des autorités américaine­s les dossiers des deux pilotes disparus ce jour-là. Le morceau de mâchoire correspond­ait parfaiteme­nt au schéma dentaire du lieutenant Cornwell. » Sa découverte est alors examinée de près par les autorités américaine­s. « Ils sont sûrs quasiment à 100 %. Ils vont envoyer une équipe le mois prochain pour fouiller à nouveau le site, indique Steve Leleu. Ils iront aussi exhumer la dépouille de la tombe que j’ai identifiée comme étant celle du lieutenant Cornwell pour procéder à une analyse ADN et confirmer définitive­ment son identité. » Car Steve Leleu n’a pas arrêté ses recherches une fois connus l’histoire de la bataille et le sort de ses protagonis­tes.

La tombe du pilote retrouvée

« J’ai trouvé des documents mentionnan­t que les Allemands avaient récupéré les corps des deux pilotes abattus dans le secteur et qu’ils avaient été enterrés côte à côte, le même jour, au cimetière de Lagoubran à Toulon, où les honneurs leur avaient été rendus, raconte avec passion Steve Leleu. Les Allemands n’ont pas trouvé la plaque d’identifica­tion de Cornwell, mais ils avaient celle de Beedle. J’ai donc suivi le parcours du corps de ce dernier, le X89, pour suivre celui du soldat inconnu, le X92, dont j’ai la certitude qu’il s’agit de Cornwell. » Après la guerre, les Américains transférèr­ent les dépouilles, d’abord au cimetière américain de Luynes, près d’Aix-en-Provence, puis dans le nouveau cimetière américain de Draguignan. « Des prélèvemen­ts ADN ont déjà été faits sur la famille du Lieutenant Cornwell, qui n’avait pas d’enfant, mais dont une soeur est encore en vie », indique Steve Leleu.

Un monument et un hommage officiel

Cette soeur, c’est lui encore qui l’a retrouvée, comme les membres de trois des quatre familles de pilotes impliqués, qu’il a mis en relation.

« Je me suis bien amusé à faire ce travail, avoue Steve Leleu. Je sais désormais qu’il y a des gens qui pillent ce genre d’épaves. Moi, comme d’autres le font aussi, je tenais à reconstitu­er l’histoire de ces jeunes hommes qui ont sacrifié leur vie loin de chez eux et je tiens à leur rendre hommage.Ce sera chose faite dans quelques mois. »Des contacts ont déjà été pris avec la commune où le crash a eu lieu. « Un monument

devrait être érigé à la mémoire des pilotes et une cérémonie organisée, en

présence de leurs familles », espère-t-il. Ce sera alors le point final de sa longue enquête. En attendant l’épilogue de la suivante ?

D’autres enquêtes en cours

Steve Leleu ne s’en cache pas. « Dans le cadre de mes recherches, j’ai rencontré des gens sans qui je n’aurais pas avancé aussi vite, comme Jean-Louis de Lattre, un spécialist­e de l’aéronautiq­ue. J’ai aussi eu connaissan­ce d’autres crashs, d’autres avions tombés sans qu’on sache ce que leurs pilotes sont devenus. J’ai déjà d’autres enquêtes en cours. » Et visiblemen­t, plus beaucoup de temps pour aller aux champignon­s...

1. Le lieu est volontaire­ment gardé secret.

 ?? (Photos S. L. et Laurent Martinat) ?? Des fouilles longues et minutieuse­s ont permis à Steve Leleu de mettre à jour d’innombrabl­es traces du crash de .
(Photos S. L. et Laurent Martinat) Des fouilles longues et minutieuse­s ont permis à Steve Leleu de mettre à jour d’innombrabl­es traces du crash de .
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